Chère Héloïse,
Tu n’as pas choisi de naître et encore moins cette destinée dans les crocs de lucifer. A peine née, ta mère décède et ton père prend la fuite. Double abandon toi petit être sans défense. Tu connaîtras les foyers, les familles d’accueil où ta colère, ta tristesse vont grossir en toi au fil des années, au fil des épreuves de la vie qui ne t’épargneront pas. Tu auras touché et essuyé le sol des ténèbres et à peine entraperçu la lumière. Tout ce que tu touches disparait. Plus tu grandis et plus tes défenses se font barrière au point que tu te retrouves seule avec l’Ombre, cette voix tonitruante qui te force à embrasser le malin.
Faute d’amour, faute de repères rassurants et bienveillants dans ton enfance, tu t’es construite de travers, gamine aux mille fêlures pour seuls habits.
Tu cries mais personne ne t’entends. Bête farouche et sauvage, tu ne te laisses pas approcher. A quoi bon puisqu’ils te laisseront encore et encore. Personne ne peut aimer un être aussi fragile et cabossé. Tu te détestes, peu de gens te viendront en aide, une pincée de lumière dans tes enfers, tellement maigre, tellement peu confiante, tu vacilles dans cette lumière qui te fait tourner en boucle, la danse macabre du malheur.
La quatrième de couverture parle de roman policier : « Une merveille indispensable à tous les amateurs de romans policiers différents et originaux ».
Difficile d’établir un genre pour ce roman. Au départ, je pensais qu’il s’agissait d’un témoignage, de l’histoire de l’auteure, Ophélie Cohen qui signe ici son premier roman. Mais non, tout est fictif. Et absolument glaçant. Il y a un air de Karine Giebel, adepte des voyages sans retour direction l’enfer. J’ai été littéralement prise dans l’histoire d’Héloïse, attendant fébrilement un retournement heureux. Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler si ce livre vous tenterait.
Moi qui ne lisais plus depuis un moment, j’ai sorti ce livre par hasard de ma pile à lire et dès les premières pages, j’étais en totale immersion dans l’histoire. Tantôt empathique, tantôt écœurée, tantôt désespérée. L’écriture d’Ophélie Cohen est dénuée de fioriture. L’équilibre narratif est garanti sans tous ces effets de style qui peuvent étouffer l’histoire. Héloïse est au coeur de ce roman. On plonge dans ses déchirures avec elle, on sent le sang, la rage, l’absence d’amour qui a fait d’elle une âme errante.
C’est une histoire qui nous rappelle combien beaucoup de choses se passent dans la petite enfance. Dans ces enfances meurtries, sans la main de la résilience, il est difficile d’avancer, de vivre plutôt que de survivre. Le temps passe et certaines blessures se font plus saillantes au regard des absents, du vide qui aspire car il est très difficile de trouver un sens à cette vie si personne ne nous a appris à être heureux, si la vie se montre égoïste et que les anges ont démissionné.
Il y a des êtres qui me hanteront bien des années encore et bien des souvenirs assassins avec ma tignasse blonde haute comme trois pommes qui ne s’oublieront pas, ne s’effaceront pas. Un grand chanteur français a écrit un jour qu’il faut aimer la vie, l’aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants.
Ce livre n’est pas joyeux, il n’est pas dans l’ambiance chaleureuse de noël, avec sa playliste à fleur de peau.
(In the arms of the Angel, Fly away from here. You’re in the arms of the Angel. May you find some comfort here. Angel, Sarah McLachlan). Magnifique chanson que je vous partage plus bas.
Héloïse, 294 pages, je t’ai lue en quelques jours, il faut croire que les histoires où règnent les traumatismes d’enfance me cautérisent d’une certaine façon. Beaucoup d’histoires sont sordides. Car c’est bien connu, les garçons ne naissent pas dans les choux et les filles dans les roses.
Une pensée d’Amour à tous ces êtres seuls et dépeuplés en ces temps festifs.
Plus encore par ici https://coccinelledeslivres.be/trauma-de-lenfance/