La maladie d’Alzheimer c’est 1,2 millions de personnes touchées en 2019 en France, 2,2 personnes en 2050, 225.000 personnes diagnostiquées toutes les 2 minutes trente, 1 personne sur 25 atteinte entre 70 et 79 ans, 1 personne sur 5 entre 80 et 89 ans, 1 personne sur 3 après 90 ans.
Et c’est aussi un être cher emporté par cette maladie.
Entre la peur, la peine, l’impuissance, le deuil avant l’heure, beaucoup de familles se retrouvent affligée par ce fléau.
Cette page voit le jour pour que vous puissiez y trouver des lectures inspirantes, des réponses, du soutien tant bien que mal, un sentiment aussi que vous n’êtes pas seuls, que ce que vous traversez, d’autres l’ont vécu à leur tour. N’hésitez pas à partager vos lectures sur ce sujet par ici, à partager sur ce blog vos états d’âme, vos émotions. Ne restez pas seuls, lisez, délivrez-vous, trouver soutien et réconfort, ici ou ailleurs.
« C’est la vieillesse qui est une saloperie, pas la solitude ».
« A-t-on le droit de soigner, pour qu’il vive, un être qui se déshonore et qui serait horrifié s’il se voyait ? »
Blandine de Caune
La mère morte
« Voici à peu près comment je me représente la démence en cette phase moyenne où mon père se trouve en ce moment : c’est comme si l’on vous arrachait au sommeil, on ne sait pas où l’on est, les choses tournent autour de vous, les pays, les êtres, les années. On s’efforce de s’orienter mais l’on n’y parvient pas. Les choses continuent de tourner, morts, vivants, souvenirs, hallucinations semblables à des songes, lambeaux de phrases qui ne vous disent rien–et cet état ne cesse plus du reste de la journée. »
Arno Geiger
Le vieux roi en son exil
Ca va mieux ton père ?
Mara Goyet
Editions Stock, 5 septembre 2018, 150 pages
4è de couverture
« Mon père l’a affirmé haut et fort. Il voulait, après sa mort, se réincarner en train. Ainsi les vaches le regarderaient-elles passer. C’était peut-être son idée de la félicité. Ou, comme souvent avec lui, la douceur de l’image, sa simplicité.
Mon père est vivant. Il est malade depuis des années maintenant. Terriblement. Il file déjà, à pas lents, à travers le paysage. Qu’il soit pourtant, et à l’avance, exaucé : même si je ne suis pas une vache aux longs cils et au regard humide, même si je ne fais pas le poids, je veux le regarder passer, observer sa vie et ce qu’est devenue la mienne. Je ne vais cependant pas me contenter de ruminer ; il y a tant de belles choses à raconter. »
Ça va mieux, ton père ?
16/11/2018
Mon avis
Ce récit est au-delà de l’émotion que j’ai ressentie, au-delà de l’épanchement et du bouleversement éprouvé. Ce récit, ce sont des mots justes, comme encore jamais lus, sur ce que je traverse actuellement avec mon père. Il est d’une observation et d’une sincérité stupéfiantes.
L’auteure observe très bien ce qui se passe dans les maisons de repos. le manque d’effectif, le manque de temps, d’attention, tous ces êtres vieillis par le temps ou la maladie délaissés à leur propre sort, prisonniers de leur condition diminuée. Elle décrit les couloirs, les errances de son père qui se tient péniblement à la rampe, tous ces spectres oubliés qui manquent d’amour et qui pour beaucoup, savent pourtant encore aimer. L’auteure nous parle de ses doutes, de ses interrogations, sa culpabilité, ses faiblesses car c’est difficile la maison de repos, c’est difficile d’aller jusque là pour voir un père qui ne reconnaît plus sa fille. Alors elle espace les visites, entre protection et culpabilité, elle vacille. Elle décrit très bien sans scolarité, les étapes de la déchéance, et pourtant continue de se rappeler son père avant la maladie, cet homme incroyablement instruit, intelligent, perspicace, drôle. Elle se souvient pour deux.
Bien sûr, il n’y a pas d’astuces en toc pour palier à cette maladie pour nous les aidants. Oui, être soutenu, être écouté, ne pas rester seul, se changer les idées. Mais ce récit aura au moins eu le grand mérite d’avoir mis des mots sur mes émotions, d’avoir éclairé un horizon qui semble commun à tous ceux dans pareille situation. Pas de pacotille ni de niaiserie ici, mais une grande intelligence littéraire, une plume riche parsemée de citations littéraires ou cinématographiques qui matérialisent le récit, le rendant plus fort et plus proche encore.
Ça va mieux ton père ? Est cette question idiote que les privilégiés s’empressent à poser sans imaginer qu’avec la maladie d’alzheimer, rien n’ira mieux, l’ange de la mort guette sans relâche…
Ne m’oublie pas
Alix Garin
Editions Le Lombard, 15 janvier 2021, 224 pages
4è de couverture
La grand-mère de Clémence souffre de la maladie d’Alzheimer. Face à son désespoir, elle prend la décision de l’enlever de la maison de retraite et de prendre la route en quête de l’hypothétique maison d’enfance de sa mamie. Une fuite, une quête, un égarement, l’occasion de se retrouver ? À moins que ce ne soit plutôt des adieux…
Ne m’oublie pas
19/10/2021
Mon avis
La tendresse
C’est un geste, un mot, un sourire quand on oublie
Que tous les deux on a grandi
C’est quand je veux te dire je t’aime et que j’oublie
Qu’un jour ou l’autre l’amour finit
La tendresse.
Allez viens.
Ne m’oublie pas. Moi qui t’aime tant chère mamie, moi qui me souviens de ta tendresse, de tes sourires, de tes bisous, ne m’oublie pas.
Allez viens mamie, on va aller faire une énième fugue mais ensemble, toutes les deux, parce que les mouroirs ça rapporte pas un sou, puis ça pue la mort et la tristesse. Viens mamie, on va aller jusqu’en France dans la maison de ton enfance. Tes souvenirs ils sont là bas, on va aller les chercher pour que la mémoire vienne te picoter ton petit coeur. Viens mamie, ensemble on va s’aimer une dernière fois et sur tes trous noirs, on fera la courte échelle pour attraper le mauvais sort et lui tordre le cou.
La tendresse,
C’est refaire pour quelques instants un monde en bleu
Avec le coeur au bord des yeux.
Coup de coeur pour cet album rempli de tendresse, de simplicité qui nous rappelle que le temps est compté, que c’est aujourd’hui qu’on s’aime.
Le premier oublié
Cyril Massaroto
Editions XO, 13 septembre 2012, 234 pages
4è de couverture
Le cinquième roman de Cyril Massarotto, tout en pudeur, nous emporte avec humour et délicatesse aux frontières de la mémoire, des souvenirs et de l’amour filial. Depuis quelques mois déjà, Madeleine oublie. Oh, des petites choses, rien de bien inquiétant. Jusqu’au jour où elle s’aperçoit qu’elle a oublié le nom de son mari. C’est Thomas, son fils, qui lui apprend que son époux est mort, il y a près d’un an. Le diagnostic tombe : sa mère est atteinte d’Alzheimer.
Entre tendresse et amertume, Le Premier Oublié est un roman à deux voix, celles d’une mère et de son fils, confrontés à l’implacable avancée de la terrible maladie.
Le premier oublié
04/06/2018
Mon avis
La première question qui vient peut-être en tête lorsqu’on apprend qu’un de ses proches est atteint d’une démence (Alzheimer et consorts), c’est « qui sera le premier ou la première à être oublié(e) », zappé, fini, on n’existera plus…
Ce petit livre raconte très bien ce que ressent celle qui commence à oublier et celui qui le sera… oublié.
On découvre le fil de cette foutue maladie, on voyage dans le présent, dans le passé quand « le petit rat » n’était qu’à ses débuts de rongeur dans la boîte aux souvenirs, on rencontre les difficultés des uns et des autres. Et on s’attache au fils relégué au rang d’imposteur, parce qu’on le voit présent, patient, aimant et que lui il n’a rien oublié…
Un roman que j’ai eu plaisir à lire très égoïstement car il m’a permis de dire, je ne suis pas seule à bientôt être oubliée. Puis, l’amour recèle toujours bien des pouvoirs pour qu’à defaut de souvenirs partagés, une émotion passe enfin: celle d’une mère qui ressent l’être encore.
Tout le bleu du ciel
Mélissa da Costa
Editions Le livre de poche, 12 décembre 2020, 840 pages
4è de couverture
Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.
Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d’un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence.
Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. À chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.
Tout le bleu du ciel
26/06/2019
Mon avis
Quel joli roman que je referme les larmes aux yeux, un roman empli d’émotions au large des grands espaces verts.
Émile a 26 ans lorsqu’il publie une annonce à la recherche d’un compagnon de route pour cette dernière ligne droite de sa vie. Émile souffre d’un alzheimer précoce, tout va aller très, trop vite pour lui désormais.
Deux ans, voué à mourir jeune, sénile et cloué sur un lit d’hôpital. C’est Joanne qui répond positivement à son annonce. Ensemble ils vont sillonner la France en camping car direction l’inconnu, la grande vie, la liberté.
Joanne, avec ses habits noirs, son chapeau, ses shorts trop grands est une écorchée vive, taciturne, indifférente à tout. Émile ne la cerne pas mais petit à petit, au long de ces 650 pages, ils vont tous deux s’acclimater l’un à l’autre et s’apporter l’amitié nécessaire pour que ce voyage soit le plus beau d’entre tous.
Ils vont rire, pleurer ensemble, se rappeler, oublier, se soutenir et s’habiller de mille horizons. Entre la mer, la forêt, les montagnes, on en prend plein les yeux. Mais il y a aussi des moments difficiles dans cet alzheimer qui ronge chaque dernière denrée vitale. Émile n’a qu’un souhait : finir sa courte vie en paix, loin des hôpitaux, loin de l’acharnement thérapeutique, loin de la famille en pleurs.
On s’attache à ce duo insolite qui a tout à apprendre l’un de l’autre. On se plonge avec un certain ravissement dans les souvenirs de chacun, comme une petite flamme, lambeau du présent. On marche dans la vie comme pour mieux écraser cette foutue maladie. On avance pour cicatriser, accepter l’inéluctable, vivre mieux que tous, mieux que tout parce que oui, on peut tous mourir demain.
Un roman qui ne peut laisser de marbre parce qu’il redonne force et vie aux étoiles, au bleu du ciel, aux anges qui veillent sur nous, au vent dans les arbres, à ces mots qu’on gribouille sur les murs et qui veulent dire : aime la vie et sois vivant jusqu’à ton tout dernier souffle…
La mère morte
Blandine de Caune
Editions Stock, 2 janvier 2020 220 pages
4è de couverture
Une mère, âgée mais indépendante, se trompe de jour, de lieu de rendez-vous avec ses filles, achète des objets superflus et coûteux, oublie dans le coffre de sa voiture les fruits de mer bretons, et se lève la nuit, croyant partir pour une destination inconnue.
Cela pourrait être drôle, si ce n’était une maladie mentale due à l’âge, et surtout si cette femme si confuse n’était pas la romancière Benoîte Groult, la mère de l’auteure de ce livre d’une force rare.
Benoîte Groult, luttant, jouant avec sa propre fin, mais refusant avec rage de céder à la fatalité et à la vieillesse, elle qui a été une militante de l’association « Pour le droit de mourir dans la dignité ». Voici la femme intime, plus que la femme publique, ici telle qu’on ne la connaît pas, et qui écrivait : « Dans la vie, deux mondes se côtoient : celui des gens qui vont vivre et celui des gens qui vont mourir. Ils se croisent sans se voir. »
La Mère morte
05/02/2020
Mon avis
Malgré la tristesse qui émane de ce récit, j’ai été noyée par des émotions très fortes. Bouleversée c’est le mot.
Blandine de Caunes est la fille de Benoîte Groult, la célèbre écrivaine aux mots et pensées limés sur du velours.
Blandine raconte. La maladie d’alzheimer de sa mère à un stade déjà très avancé. Le stade des bêtises incessantes, de la peur de la nuit, des discussions infantiles, des noms et souvenirs oubliés, de l’incontinence. Ces passages m’ont terriblement émue.
Je nous ai revues maman et moi quand papa commençait à être un enfant et à mourir à vitesse grand V. Elle décrit à la perfection ses émotions face au manque, au vide, au désarroi de cette déchéance : une coquille vide dans un corps à genoux.
Seules les personnes qui ont vécu de près cette terrible assistance à personne en danger peuvent décrire à la perfection l’immensité du chagrin.
En parallèle, Blandine de Caunes vivra un second drame. le décès de sa fille Violette jadis âgée de 36 ans dans un accident de la route.
Blandine parle du deuil, du cataclysme, de l’injustice de voir des jeunes partir avant les vieux, de la fatigue, l’épuisement d’être triste pour deux, la fille, la mère.
Elle parsème son récit de citations de sa mère écrivaine, elle relève des passages de grands auteurs, le tout rendant ce récit tout à fait saisissant.
Ce que j’ai le plus aimé, c’est sentir tout le long une main dans la mienne, parce qu’on est jamais aussi bien compris que par ceux qui ont souffert pareil. J’ai aimé cette pudeur, le courage de Blandine et ses soeurs. Quelle tristesse de devoir un jour s’occuper de ses parents puisque la vieillesse est à ce point affligeante et dépendante.
« Elles ne savent pas – pas encore – combien il est difficile et douloureux de devenir la mère de sa mère. »
Je relève néanmoins une interrogation sur l’euthanasie de Benoîte prise en charge par un médecin belge. Ça semble avoir été d’une facilité déconcertante alors que de mon côté, cette voie est barrée, si la personne n’exprime pas en pleine conscience de ses moyens son désir de mourir, même si ladite personne souffre et est une plante, ni la famille ni le corps médical n’a son mot à dire. Faut attendre la grippe de trop, la chute de trop. En attendant, buvez buvez de la souffrance et de la peine.
La mère morte est un récit à hauteur humaine qui m’aura touchée de plein fouet.
Une écriture vibrante et impressionnante de justesse et de sensibilité. Une précision non-excessive de l’impuissance à hauteur de mère et de fille. Un double naufrage sur une mer qui ne veut plus qui ne peut plus porter. C’est la mère morte.
La reine nue
Anne Bragance
Editions Actes Sud, août 2003, 272 pages
4è de couverture
Voilà un portrait de femme haut en couleur. Celui de Giuletta, forte tête et fantasque, au-dessus d’une formidable entreprise familiale, mère de sept enfants, comptant comme autant de péchés, et romancière à succès. La Reine nue s’ouvre sur ses moments d’égarements, des premiers troubles, des dérèglements bénins. On se doute comment cela se terminera…
En attendant, l’état s’aggravant (elle décide notamment de vendre ses souvenirs, disparates et d’inégales valeurs, débités en tranches et vendus à qui veut bien l’entendre), cette famille nombreuse et éclatée va devoir se retrouver autour d’elle pour un tour de garde hebdomadaire. Et d’assister ainsi aux élucubrations, aux délires qui la plongent parfois dans un strip-tease, laissant voir un corps décharné, flasque et pitoyable ou qui mènent à la résurrection des personnages de ses propres romans.
En même temps qu’Anne Bragance brosse la fin d’un règne maternel, elle décrit la déchéance physique longue et lente d’une vieille dame vue à travers le regard de chacun de ses protagonistes, livrant donc un roman à plusieurs voix, alternant sans cesse, les enfants et Giuletta. Autant de voix, tantôt chargées de compassion, de tristesse ou d’amour, tantôt de dégoût, de dépit et de pitié.
S’appuyant sur le sens et le rôle de la fratrie, La Reine nue donne ainsi le tableau vivant d’une maternité, où le rapport mère enfants, et réciproquement, déploie toutes ses subtilités. – Céline Darner
La reine nue
02/08/2018
Mon avis
Une fois encore séduite par la plume aérienne d’Anne Bragance qui sait jongler entre les mots et les émotions pour nous proposer une histoire troublante.
L’histoire c’est celle de la reine mère Giuletta et de ses sept enfants. L’auteure met l’accent sur les sept péchés capitaux mais cela rappelle cette blanche neige endormie entourée de ses sept nains avec un côté moderne et tragique lié à la démence sénile.
Giuletta est une mère monstrueuse : monstrueusement belle, indépendante, passionnée, amoureuse plus que jamais de ses enfants avant tout homme et tout père. Elle tissera dans sa relation avec ses enfants un monde de luxure, de complicité, de joie, de bonheur à huit sans jamais s’habituer au bonheur (« Se garder de l’illusion que ces bonheurs nous sont dus, qu’ils dureront toujours, goûter tous les sucs de la vie, s’en délecter. Ne jamais s’habituer. L’habitude est la mort du bonheur »).
Quand se déclare la maladie, les enfants vont tour à tour prendre la garde de leur mère. Et petit à petit perdre avec elle ou dans les souvenirs de son carnet intime, un peu d’eux-mêmes, sombrant chacun dans le labyrinthe de la vie, happés par la folie grandissante et contagieuse de cette mère tant aimée.
Les chapitres sont courts donnant la voix à chaque enfant et à Giuletta dans sa folie.
L’histoire n’est pas simple, elle reflète la part de conscience de s’occuper d’un père ou d’une mère en perdition, de pouvoir discerner les limites, de couper le cordon ombilical et l’emprise d’une famille dont le seul noyau vital était la mère.
Anne Bragance sait marier les mots avec beauté et justesse. Solitudes ma chronique, Casus Belli ma chronique, Passe un ange noir ma chronique, La reine nue, elle ne déroge pas à son talent qui sied ses romans à merveille. J’adhère sans la moindre lassitude. C’est beau, ça parle, ça cogite, bravo Madame Anne Bragance.
Commentaires
0 commentaire
Recevez toute l’actualité en exclusivité en vous inscrivant à la newsletter