La Coccinelle des livres

Une nuit particulière

Livre écrit par : Grégoire Delacourt Maison d’édition : Grasset Nombre de pages : 188
Chronique créée le 25/07/2023 4 commentaires

4è de couverture


«  J’avais envie d’amour. Envie d’une grande nuit d’amour. D’une rencontre. De ce moment étrange, poétique parfois, qui change le cours de l’eau d’une vie.
Je voulais comprendre jusqu’où l’on peut aimer, jusqu’où l’on peut aller vers l’autre et ressentir que chaque pas est un choix. Je rêvais d’entendre à nouveau quelques airs d’opéra, des arias de douleur et de beauté, et retrouver ces hommes et femmes capables de se jeter dans le vide par amour. Parce que c’est vivre sans amour qui est l’enfer.  »
G.D.
 
Elle s’appelle Aurore. Et pourtant c’est au crépuscule qu’elle rencontre Simeone, un soir d’automne, à Paris, aux abords du local d’un groupe de parole. Elle quitte une réunion, lui arrive pour la suivante. Il attend, l’observe, intrigué, mais c’est elle qui s’adresse à lui. Le temps d’une cigarette, la conversation s’engage.
Après trente ans d’amour fou, Aurore sait qu’elle va être quittée par son mari. Simeone a la gorge mangée par un crabe, il lui reste peu de temps à vivre, il refuse de lutter et sa femme a peur. Alors les deux inconnus s’avancent ensemble dans une nuit qui ne ressemblera à nulle autre, des rues de Paris à un bar de nuit, d’une chambre d’hôtel à un aller-retour en taxi vers Roissy et une évasion vers les rivages de l’aube. Première ou dernière nuit, tous deux l’ignorent. Ils ne sont sûrs que d’une chose  : au matin, après cette bouleversante nuit d’amour, rien ne sera plus jamais comme avant. Car l’amour ne s’écrit jamais à l’avance.
Romanesque, poétique, fulgurant  : un magnifique roman d’amour.

Le dernier Grégoire Delacourt me laisse perplexe et tiraillée entre deux eaux. 

 

« J’avais envie de retrouver un homme et une femme capables de se jeter dans le vide par amour. Parce que c’est vivre sans amour qui est l’enfer ».

Une nuit particulière n’est rien d’autre qu’un hymne à l’amour. Le sauvetage de deux âmes à la dérive.

Aurore, la cinquantaine attend sur un trottoir parisien que son mari Olivier soit parti. Ce soir, il la quitte. Effondrée à cette idée après trente ans d’amour fou, il lui faut un amant de sauvetage, un amant du deuil. Ce sera cet homme à côté qui fume, Simeone. Un homme marié mais qui osera suivre cette sublime créature.

Découpé en deux points de vue, féminin et masculin, ce livre désarçonne. La notion de réel est obscure, les gestes, les mots, les regards nous rappellent ce temps des années folles où l’on se devinait encore du bout des yeux. Roman clos dans l’intimité la plus totale de ces deux amants comme en apesanteur dans leur rencontre romantico-tragique. Une nuit particulière, c’est un autre monde où plus rien n’a d’emprise si ce n’est d’être aimé, mordu, léché avec des mots bleus comme seule ballade nocturne.

Dans ce 21è siècle, il m’a fallu un effort pour imaginer Aurore plus toute jeune qui croit dur comme fer que l’amour peut la sauver du vide. Ses manières, ses propos, ses répliques sont d’un romantisme tantôt impressionnant tantôt affligeant, je suis sceptique voyez-vous. C’est que j’ai perdu le goût à l’amour avec les années, surtout cet amour-là, romantique et absolu. Paris, ça fait longtemps, ne m’en veux pas mais je ne te connais plus vraiment. Tu en vois souvent toi des inconnus d’un soir qui s’accrochent à tes réverbères et tiennent ta nuit en otage ?

Aurore est sculptée comme une veuve éplorée dont la mélancolie semble infinie ; elle ne joue que sur des notes tristes et désenchantées.. Oui trente ans d’amour c’est lamentable. Ses pensées sont l’une après l’autre tragiques, ça plaira aux vaccinés de l’amour :

« Méfie-toi des souvenirs. Ils sont des valises de plomb. Ils t’ancrent sur terre et t’empêchent les étoiles. Le souvenir d’avoir été heureux par exemple est un poison. Il atteste que tu ne l’es plus. ».

Et boum ! Les souvenirs peuvent pourtant adoucir la noirceur des nuits solitaires – Vous ne trouvez pas ? Ils attestent pour la petite mélancolique que je suis parfois qu’on a vécu des moments heureux. Je pense : il fut et non il n’est plus (merci Albert Camus). Dans les quelques pages parcourues on sent poindre ce pessimisme mortuaire. Mais également toutes ces manières aristocratiques intellectuelles parfaitement littéraires avec cette personnification constante de l’amour et du voile nocturne. Il y a  dans une nuit particulière  un goût de trop, de lourd, d’une chappe de plomb comme trop d’artifices pour dire si peu. Je ne trouve ni trop long ni trop court ce roman – c’est déjà ça… Il ne me touche pas autant qu’il aurait pu – parce que je ne possède plus la fièvre amoureuse ardente de mes trente ans – je suis quelque peu immunisée face à ces mots passionnés qui surabondent… Quand je lis j’aime souligner quelques passages marquants mais ici j’ai fini par abandonner – chaque phrase semblait taillée dans du cachemire.

Ca me rappelle un temps que les moins de quinze ans ne peuvent pas connaitre – Est-ce qu’on aime encore ainsi ? A l’ère du texto et des MDR, je ne sais pas s’il existe encore certains érudits qui peuvent rêver à cet absolu amour. Le vivre encore moins.

Grégoire Delacourt a imaginé une parenthèse dans la vie de deux étrangers qui avaient besoin d’amour et de sauvetage. Il déploie tout son talent littéraire pour composer des lignes empreintes soit de mièvrerie sentimentale pour certains ou bien de la prose solitaire des grands poètes. Vous vous ferez votre propre avis.

J’ai lu ce livre avec un peu de nostalgie au creux du ventre car j’ai connu une vie où l’amour était tout pour moi. Je lui aurai donné mon sang et ma vie et des phrases entières d’envolées d’espoir fou. Grégoire Delacourt est resté un éternel amoureux pour qui le mot doit danser avec la nuit, doit s’ouvrir comme une peau d’orange pour extirper ses saveurs exquises et qui oui, dégoulinent quelque peu.

Recommandations: pépites littéraires 

Commentaires

4 commentaires

  • Icône

    Isabelle

    le 26/07/2023 à 06:07
    Cc moi c’est isa @entre.les.livres 😉 Et bien je ne sais pas vraiment si j’ai envie de ce genre de lecture ! S’il me tombe entre les mains lors d’un passage à la médiathèque pourquoi pas …. Je comprends que ce thème ne te corresponde pas actuellement vu ton deuil récent . J’espère que tu trouveras le bonheur encore. Je t’embrasse
    • Icône

      magali

      le 26/07/2023 à 14:07
      Coucou Isabelle, Oui tu m’as comprise… certaines épreuves expliquent qu’un livre ne nous touche pas comme il devrait. Mais si tu es une grande rêveuse comme je l’étais avant, certainement ce livre sera dans tes possibles. Il donne vie à l’amour, aux secondes chances, à un Paris qui protège les âmes en peine.
  • Icône

    Mamichapitre

    le 24/07/2023 à 19:07
    Ce livre ne t’a pas laisser indifférente c’est déjà ça! Il est rare que l’amour passionnel et l’âge fassent deux mais cependant j’y crois encore malgré mon âge. L’amour est un animal sauvage difficile à apprivoiser mais lorsque tu arrives à le dompter il est merveilleux. Il faut croire encore à l’amour il faut juste rencontrer la bonne personne et ne pas trop en attendre car sinon il reprend sa nature sauvage et se sauve. J’espère qu’il reviendra très vite toquer à ta porte. Gros bisous de Mimi cocotte❤😻
    • Icône

      magali

      le 24/07/2023 à 20:07
      Merci ma mimi cocotte, je ne te connais rien de toi, de ta vie, de ton âge, de ta région… tu m’insuffles avec ton message un optimisme salvateur. J’ai perdu mon bien aimé il y a trois mois, ça n’arrange rien. Il n’y avait qu’avec lui que je trouvais mon soleil. Je ne sais pas si un jour un alter ego se présentera sur mon chemin. Je n’attends plus personne. Merci encore pour tout ma petite mimi adorée.

Choisissez un icône

Recevez toute l’actualité en exclusivité en vous inscrivant à la newsletter