La Coccinelle des livres

Toute la violence des hommes

Livre écrit par : Paul Colize Maison d’édition : Folio Nombre de pages : 347
Chronique créée le 13/07/2023 14 commentaires

4è de couverture


Dans la banlieue de Bruxelles, une jeune femme est retrouvée sans vie, poignardée. Tout accuse Nikola Stankovic, dernière personne qu’elle a appelée : les caméras de surveillance, ses vêtements maculés de sang et les croquis de la scène de crime découverts dans son atelier. Surnommé le Funambule, Niko est un graffeur de génie, auteur de fresques ultra – violentes. Incarcéré, l’homme ne répète plus qu’une seule phrase : « C’est pas moi. » Son avocat et sa psychiatre décident de suivre leur instinct et de laisser venir l’histoire. La vraie, celle de Niko et celle de tout un pays détruit par la guerre…

Première page

Une coccinelle sur une toile de tente

L’homme posa les mains sur la table et le dévisagea.

-J’ai l’impression de parler à un mur. Il ferma les yeux.

Un mur. Un mur lézardé, dont chaque brique était moulée dans les larmes, le sang, la violence et la haine. Les rares moments de répit n’en étaient que le ciment précaire. L’homme tira une chaise à lui et s’assit.

-Bien. Reprenons depuis le début.

Il rouvrit les yeux, fixa un point devant lui.

De quel début parlait-il?

Toute la fin ramène au début. La mort ne survient que s’il y a eu naissance. Elle boucle la boucle. Einstein a dit que le temps n’est pas une ligne droite, Gaudi que rien n’est droit dans la nature. Ni l’eau, ni l’air, ni la terre, ni le feu. Pas même la ligne de l’horizon. Tout n’est que courbes et arabesques. Un atoll volcanique dans l’immensité de l’océan? Tout est dans le détail, pour ceux qui savent les observer.

L’homme reprit d’une voix monocorde.

-Vous vous appelez Nikola Stankovic, vous avez 35 ans, vous n’êtes pas marié, vous n’avez pas d’enfants.

Nikola?

Ce prénom lui parut étranger. Son père l’appelait Niko. Sa mère Duso. Mon âme. Elle lui ébouriffait les cheveux quand il passait à sa porté. Zelim da te zagrlim. J’ai envie de te prendre dans mes bras. Les parents dictent la norme. A ce moment, il croyait encore en leur pouvoir. A présent, il savait que le pouvoir appartient aux plus forts. La force permet d’imposer.

L’homme poursuivit.

-Vous êtes domicilé à Saint-Gilles, rue de la Perche. Vous êtes artiste-peintre, vous n’avez pas de revenus fixes. Est-ce exact?

Des revenus fixes?

Les artistes n’ont pas de revenus fixes, sans quoi ils ne seraient pas des artistes. L’argent ne permet pas de réécrire le passé. Une boule de feu pourcourant le ciel? L’homme monta le ton.

-Est-ce exact, monsieur Stankovic?

Il décela de l’impatience dans sa voix, une volonté d’en finir. Le silence était son allié. L’art ne dévoile ses secrets que dans le silence absolu. On devrait interdire aux gens de parler dans les musées. Le silence peut aussi être une arme. Il masque les mensonges, les aveux et les trahisons. L’homme secoua la tête avec dépit.

-Vous ne m’aidez pas beaucoup, monsieur Stankovic.

Il se tut. L’homme s’emporta.

-Vous pourriez au moins me regarder quand je vous parle.

Une coccinelle sur une toile de tente?

Il releva la tête.

-Vous avez une tache sur votre chemise.

Extrait

«L’histoire se répétait jusqu’à la nausée. La violence des hommes éclaboussait les siècles. Leur cruauté était sans limite. Les temps de paix n’étaient que de brefs intervalles entre les guerres, les génocides et les massacres. .»

Chronique 

Un thriller efficace qui déjoue les codes du genre.
J’ai aimé!
Peut-être pour ceux qui sont belges avez-vous déjà vu les fresques violentes qui ornent certains murs de Bruxelles ? Qualifiées de scandaleuses par certains, de chefs-d’œuvre par d’autres, Paul Colize a imaginé que ces fresques nous racontaient quelque chose. Ainsi lui vient l’histoire de ce polar Toute la violence des hommes. Mon premier livre de cet auteur, conseillé par une lectrice qui se reconnaîtra, son enthousiasme et ses nuits blanches ont fait mouche chez moi. Merci dame Laurence, l’éclaireuse.
Banlieue de Bruxelles, une jeune femme est retrouvée morte, poignardée. Tout accuse Nikola Stankovic, pourtant celui-ci ne cesse de clamer son innocence « c’est pas moi ». Nikola surnommé le funambule, est l’auteur de fresques ultra-violentes comme celle sur la page de couverture montrant un égorgement. Nikola se terre dans le mutisme et semble prisonnier d’une souffrance indescriptible. Est-il coupable ? Qui est-il ?
Sa psychiatre et son avocat vont dénouer les pistes autour de ce meurtre et de ces fresques heurtantes. Petit à petit, on découvre l’histoire de Nikola né dans les années 80 dans l’ex Yougoslavie.
Je n’ai fait qu’une bouchée de ce thriller qui détourne les ficelles des polars habituels. Pas de flics, pas de scènes ultra gores mais une histoire sensible sur une période charnière de l’histoire pas si lointaine. La guerre en Yougoslavie. J’avais douze ans quand elle s’est déclarée et j’en tremble encore moi qui ai du sang yougoslave dans mes veines.
On vit ici de l’intérieur les traumas de la guerre. L’auteur fait revivre entre suspense et passages émouvants ce pan de l’histoire en y mêlant habilement réalisme, actualité, psychologie et ce, sans temps mort.
« J’ai passé trois semaines à Sarajevo en septembre 1992. Bizarrement, j’ai vécu là-bas un des épisodes les plus émouvants de ma vie. Ce souvenir est très vivace dans ma mémoire. Au plus fort des bombardements, un vieil homme est sorti dans la rue et a commencé à jouer du violon au milieu des ruines. Je le vois encore, les habits en lambeaux, tremblant sur ses pauvres jambes, des larmes dans les yeux. Pour nous qui côtoyons l’horreur au quotidien ces instants de grâce permettent de continuer à croire en l’humanité. »
J’aime ces thrillers qui vont au-delà de leurs codes, qui osent nous toucher, nous couler, nous rendre insomniaques, ces thrillers qui touchent à la mémoire, à l’Histoire sans jamais nous perdre ou nous écœurer.
Les personnages, que ce soit Nikola ou sa psychiatre sont attachants, pétris d’humanité jusqu’à la moelle.
Ce roman a reçu le prix polar Michel Lebrun 2020 et le prix des lecteurs 2020 du festival du polar de Villeneuve-Lez-Avignon.
Fresque à Bruxelles du peintre Vincent Glowinski, alias Bonom.

L’auteur: Paul Colize


Né à Bruxelles d’un père belge et d’une mère polonaise, Paul Colize vit aujourd’huit à Waterloo. Il a été lauréat des prix Landerneau Polar, Polars Pourpres et Boulevard de l’Imaginaire, Arsène Lupin, Plume de Cristal, Sang d’Encre des lecteurs et finaliste du prix Rossel et du Grand Prix de littérature policière. Toute la violence des hommes est son seizième roman.

Des  fans parmi vous de Paul Colize ? (Je lirai bien un deuxième livre de cet auteur, des conseils?). 

Avez-vous vu les fresques en question à Bruxelles ? Vos impressions? 

Commentaires

14 commentaires

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    Argali

    le 22/07/2023 à 00:07
    J’aime beaucoup Paul Colize, l’homme. Il est aimable, intéressant et sympathique. Je n’ai lu qu’un de ses romans et j’avais beaucoup aimé. Je vais mettre celui-ci sur ma liste.
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      magali

      le 22/07/2023 à 14:07
      Bonne idée Argali. Cet auteur belge écrit de bons polars. Toute la violence des hommes a fait mouche de mon côté. Je l’ai trouvé haletant au possible. Puis j’ai aimé ce côté historique sur l’ex yougoslavie. J’espère que ce livre te séduira. Reviens me voir quand tu le liras pour me donner tes impressions. Amitiés belges.
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    Hedwige

    le 17/07/2023 à 16:07
    Si tu désires découvrir encore cet auteur, je te conseille « Un monde merveilleux » que je te laisse découvrir sans rien t’en dire sinon que je l’ai adoré. Tout autant que celui dont tu parles quoiqu’il soit très différent.
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      magali

      le 17/07/2023 à 17:07
      J’ai commandé un autre livre de cet auteur : Back up. Son résumé me faisait de l’œil. Ça parle des années 60 et du rock. Peut-être l’as tu lu ? Je prends note de ta suggestion.
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    Sandrine (100Dreams)

    le 16/07/2023 à 23:07
    Coucou Magali, J’aime beaucoup les thrillers historiques, ils sont comme tu dis des entrées pour voyager dans le passé, revenir sur notre Histoire. Merci pour ton retour. Amitiés.
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      magali

      le 17/07/2023 à 00:07
      Merci Sandrine. Je suis trop contente de te relire par ici. As tu vu que je partage un livre voyageur ? Flagrant déni. Ça ne te tente pas de t’inscrire ?
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    Marie-Pierre

    le 16/07/2023 à 23:07
    Un polar qui fait fi des codes du genre, pourquoi pas ? Je me laisserais bien tenter. Merci Magali pour cette belle suggestion.
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      magali

      le 17/07/2023 à 00:07
      Ma belle, ne te sens pas forcée de me suivre à tout va dans mes choix de lecture. Un petit bonjour, un petit mot gentil, parfois c’est assez pour mon bonheur. Sinon oui oui, ce livre est un roman noir remplit son travail de nuits blanches.
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    Ahlam

    le 15/07/2023 à 14:07
    Et moi qui cherchait un bon thriller pour le tenir en haleine pour mon départ en vacances !! Je note celui-ci donc. Et puis des quil y a un psy dans le coup, j’aime ça !
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      magali

      le 15/07/2023 à 15:07
      Super ! Tu ne vas pas le regretter. Il est top de top ce roman noir. Surtout si la guerre en yougoslavie t’intéresse.
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    Jeanne

    le 14/07/2023 à 22:07
    Je lis peu de polars, mais si je devais en lire un je choisirais celui-là parce qu’il semble aller au delà du polar traditionnel. Merci Magali pour cette découverte.
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      magali

      le 15/07/2023 à 01:07
      Bon choix Jeanne ! Ce roman noir est vraiment intéressant et remarquable. N’hésite pas ou suis mes recommandations en bas de mon article. Amitiés.
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    Christelle

    le 13/07/2023 à 17:07
    Je ne connaissais pas du tout, superbe retour sur une guerre dont on parle peu finalement
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      magali

      le 14/07/2023 à 00:07
      Merci pour ton commentaire. En effet, un livre sur l’ex Yougoslavie est intéressant et celui-ci est de haute voltige. Amitiés.

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