Merci à Alexandra Gerbaut de m’avoir confié son recueil. C’est du précieux, c’est de l’ordre du plus intime. Parce que parfois les mots exorcisent les maux et que ça en devient vital.
Alexandra est la femme affamée de lectures sur Instagram. https://www.instagram.com/la_femme_affamee_de_lectures/
Se promener sur son compte est d’une richesse insoupçonnée. On y retrouve des chroniques sur des livres qui lui ressemblent, où elle peut s’émouvoir, se retrouver, cautériser. C’est poétique, c’est beau, c’est un écrin brut.
« Il y a en toi une petite fille qui crie famine. Alors tu es devenue une femme affamée. »
Une enfance saccagée par le viol, par la solitude, par l’absence d’amour et de protection maternels. Alexandra ne se veut plus victime mais résiliante, résistante et combattante. Avant de laisser rentrer le soleil dans sa vie, elle laisse les mots tambouriner contre la porte des maux, elle sème poésie pour consolation, elle crie famine contre l’injustice, les fractures intérieures, le ventre à jamais vide tenaillé par la peur d’une lignée au destin assassin.
« Dans ton ventre règne cette conviction inébranlable: un bébé ne peut pas naître de cet endroit, de cet endroit où l’on a tué l’enfant en toi. »
Alexandra, j’aurai envie de t’offrir un petit film de quelques minutes où tu nous verrais heureux mon fils et moi. Des jours, des mois, des années. Mon fils fut mon plus beau cadeau et mon plus beau combat pour que la vie pleine de soleil nous remplisse chaque nouveau jour. J’ai aimé comme j’aurai tellement voulu être aimée petite…
Alexandra écrit sa nuit, ses cauchemars, ses pulsions de mort, son manque d’estime, ses peurs les plus sombres.
Elle attend aussi.
« J’attends de la vie qu’elle me berce d’amour. J’attends de la vie qu’elle ferme les lourdes portes de mon enfance maltraitée. J’attends de la vie qu’elle rende justice à mon innocence fauchée. J’attends de la vie qu’elle ne m’abandonne plus. J’attends de la vie les promesses d’une aube d’été. »
J’aime ces livres, ces récits qui résonnent en moi, j’y vois inexorablement comme une main tendue vers moi. Je crois qu’entre écorchés vifs, on se reconnait tous un peu. On a une odeur spéciale que seuls des êtres déchus et mal aimés reconnaissent à la ronde.
Page 59, ce recueil me parle tout particulièrement, ces mots me donnent des frissons.
« -Qu’est-ce qui te fait le plus peur? – Que les autres me voient comme moi je me vois. » Arthur Rimbaud-Paul Verlaine.
« S’ils te voyaient comme je te vois, ils passeraient leur chemin et ils auraient raison car tu ne vaux rien. Me susurre la voix de mon démon. »
Quand les blessures de l’enfance sont saillantes et handicapantes, la confiance est anéantie, l’estime de soi abimée voire perdue. On a besoin du soleil, de belles personnes sur notre chemin, de rencontres qui appelent à la résilience, au lacher-prise. Alexandra parle de son mari, de sa jolie maison, de son travail qu’elle aime, de ces moments où elle chantonne.
Pas de secrets, pas de magie, il faut oser approcher le beau pour qu’il nous apaise quelques instants.
Comment grandit-on en tant que fille avec une mère défaillante?
On donne la vie pour guérir son enfant intérieur et faire mieux…
On refuse la vie car la colère gronde trop fort. J’aurai pu écrire ces mots, sans ta verve bien-sur chère Alexandra mais souvent j’ai oscillé entre amour et haine envers ma propre mère. Même si cette dernière n’est que le fruit d’une enfance malheureuse. Comment aimer quand on n’a pas été aimé petit?
« Tu as tout fait pour me gâcher. Tu as fait de moi une mendiante au regard dénué d’éclat. Tu as ravi toute la lumière pour ne me laisser que deux bras orphelins à jamais privés d’étreintes, et un coeur piégé par l’hiver qui ne connait pas la chaleur d’une mère.
Femme-enfant démunie, je me sens si abandonnée et en colère que je ne parviens plus à t’aimer. Que je regrette d’être née. Que j’en viens mène à m’interroger de la pertinence de mon existence sur terre. »
J’ai envie de clore cette chronique avec ce passage p.101 en guise d’espoir.
Un jour, quand j’en aurai fini, quand mon cahier n’aura plus de pages, quand de ma plume ne coulera plus d’encre, j’allumerai un grand feu de tout ce qui m’a écorchée. Je regarderai se consumer les souffrances de mon passé pour ranimer en moi une flamme nouvelle. Si vous saviez comme je rêve de danser sous les étoiles autour de ce brasier. Si vous saviez comme je rêve de lui créer que c’est moi qui ai gagné. Si vous saviez comme je rêve de ce moment où je renaîtrai de mes cendres. »
Merci Alexandra pour ce voyage introspectif qui permettra j’en suis certaines aux victimes de maltraitance de se sentir moins seules. Ton recueil m’a fait pleurer tant je m’y suis reconnue dans l’encre et l’antre de tes mots. Nous avons dix ans d’écart d’âge, continue à allumer les flambeaux car en vieillissant certaines blessures se réveillent sans crier gare. Garde ta boussole direction le sud et continue de prendre soin de ta petite puce, ton enfant intérieur. Si tu as pour ma tendre communauté un message d’espoir et des recommandations de lecture, n’hésite pas à laisser un mot en commentaire. Ce serait un privilège de te lire par chez moi.