La Coccinelle des livres

Le bruit de tes pas

Livre écrit par : Valentina D’Urbano Maison d’édition : Philippe Rey Nombre de pages : 240
Chronique créée le 16/07/2023 23 commentaires

4è de couverture


 La Forteresse « , 1974 : une banlieue faite de poussière et de béton, investie par les plus démunis, royaume de l’exclusion et de la violence où chacun essaie de s’en sortir à sa manière – travail précaire, larcins, deals en tous genres.

C’est là que grandissent Beatrice et Alfredo : elle, issue d’une famille pauvre mais unie, qui tente de se construire une vie digne ; lui, élevé avec ses deux frères par un père alcoolique et brutal. Presque malgré eux, ils deviennent bientôt inséparables et s’influencent mutuellement au point de s’attirer le surnom de  » jumeaux « .

Mais ce lien, qui les place au-dessus de leurs camarades comme des sortes de héros antiques, est à la fois leur force et leur faiblesse. Car, parallèlement à la société italienne, touchée par la violence des années de plomb, leurs caractères, leurs corps et leurs aspirations évoluent au fil des ans. Chez Beatrice, courageuse, volontaire, qui rêve de rédemption et d’exil, l’amitié initiale se transforme peu à peu en amour sauvage, exclusif. Chez Alfredo, fragile et influençable, le désespoir s’accentue.

Drames familiaux, désœuvrement, alcool et drogue, tout semble se liguer pour détruire les deux jeunes gens. Quand l’héroïne s’insinue dans la vie d’Alfredo, Bea, tenace, ne ménage pas ses forces pour le sauver, refusant de comprendre que la partie est perdue d’avance. Le bruit de tes pas, qui s’ouvre sur l’enterrement d’Alfredo, est le récit de ces quinze années d’amitié et d’amour indéfectibles.

Un texte intense, à la narration âpre portée par une sobre poésie.o

Mama mia ! Quel tourbillon littéraire ! Je suis encore toute ébouriffée, mon esprit encore tout imprégné de ce récit qui fourmille d’un réalisme si tangible qu’il en devient presque palpable.
Suite à mon coup de coeur pour Acquanera, je me suis empressée de plonger dans l’univers du premier livre de Valentina D’Urbano. Et quelle plongée ! Le voyage fut intense, agité par des cauchemars saisissants et ponctué par des moments d’émerveillement pur et simple.
    Tout est dit dans cette citation tirée de la quatrième de couverture du journal La Repubblica : « Avec son incipit foudroyant, le bruit de tes pas capte instantanément l’attention du lecteur et force l’admiration par sa construction habilement pensée, la fluidité envoutante de sa narration et la capacité exceptionnelle de son auteur à faire vivre ses personnages et leur univers. »
Tout est dit, en effet !

Nous suivons Béatrice et Alfredo, un duo maudit rappelant les amants tragiques Roméo et Juliette. Ils grandissent dans un cadre austère nommé « La Forteresse », situé en Italie durant les années 70. « La Forteresse » n’est autre qu’un immeuble délabré où règnent misère, violence et désillusions. Alfredo vit juste en face avec ses deux frères sous le joug d’un père veuf alcoolique qui ne connaît que la brutalité comme mode d’expression. Face à cette situation pitoyable, la famille de Béatrice apporte aux enfants un peu de réconfort ainsi qu’un semblant d’équilibre. Bea et Alfredo, étant du même âge, deviendront très vite inséparables au point d’être surnommés les jumeaux.

A travers une plume affutée comme une lame effilée, l’auteure retrace sur une période de quinze ans le parcours chaotique de ces deux êtres fragilisés par leur environnement hostile où ils oscilleront sans cesse entre haine viscérale et amour inconditionnel. Vorace, sauvage, animal – ce récit se teinte d’un réalisme troublant qui donne l’impression d’une histoire vraie tant elle prend vie devant nos yeux. La misère omniprésente, les traumatismes indélébiles, la malchance persistante ainsi que la fatalité implacable sont décrits minutieusement avec une précision déconcertante.

Dès les premières pages du livre, le ton est donné :

« La facilité avec laquelle on s’habitue à la mort d’un être cher est épouvantable. On sait pertinemment bien qu’on ne le reverra jamais plus. Ce n’est pas qu’il a simplement disparu : on ne peut nourrir le moindre espoir infime de le retrouver fortuitement quelque part. On sait avec certitude qu’il n’y aura aucune coïncidence miraculeuse de ce genre… C’est tellement abominable que ça vous donne envie de hurler jusqu’à en perdre votre voix .»

Valentina D’Urbano : une auteure italienne dont il faudra assurément surveiller chaque nouvelle publication tant son écriture âpre mais poétique vous attrape par la gorge pour ne plus jamais vous relâcher.

Je déclare donc ce roman comme mon premier coup de coeur littéraire du mois de juillet! Une auteure italienne remarquable dont je suivrai attentivement chaque future publication.

Ma chronique coup de coeur d’Acquanera et le portrait de Valentina D’urbano: 

Commentaires

23 commentaires

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    Jeanne

    le 18/07/2023 à 13:07
    L’histoire semble poignante. Certains êtres naissent avec un noyau fissuré, malgré leur courage et leur bonne volonté ils ont du mal à réparer la fissure. Ce roman a permis à ta sensibilité de s’exprimer pleinement, tes mots laissent entendre le flot d’émotions que l’histoire des personnes a suscité en toi. Félicitations pour la photo, très belle, douce et poétique.
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      magali

      le 18/07/2023 à 21:07
      Coucou Jeanne, Merci pour ce retour à fleur de peau. J’ai voulu soigner autant mon article que ma photo pour ce livre qui comme tu l’as deviné, a soulevé chez moi beaucoup d’émotions. Habitant moi aussi un quartier défavorisé ou la misère se niche autour de moi, je sais que oui, nous ne naissons pas tous égaux. Certaines épreuves aussi nous fragilisent. Certains milieux nous collent comme une malédiction, un œil mauvais prêt à nous pendre à lui. Je sais les difficultés de se relever d’aussi bas, de réussir, de faire mieux. La misère c’est un peu contagieux. Ou bien ça donne la force de s’en défaire. J’ai parfois honte d’avoir assez pour vivre ou lire, je suis souvent triste devant ces êtres si fragiles qui m’entourent. Voilà en un peu long pourquoi aussi et encore cette histoire m’a émue et résonné en moi.
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    Sylvie

    le 17/07/2023 à 23:07
    Coucou Magali ! Même en vacances (et en « désintox d’écran » ), je ne résiste pas au plaisir de venir découvrir tes jolis billets ! Là je fais la connaissance d’une auteure que je n’ai encore jamais lue, et tu me donnes envie de la découvrir.
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      magali

      le 18/07/2023 à 21:07
      Dois-je répondre durant ta désintox ? J’hésite j’hésite… car je respecte trop ces décrochages loin des écrans. Dieu qu’on était bien dans les années 90 tu ne trouves pas ? La vie avait une autre saveur plus humaine et authentique. Profite bien de tes vacances et prolonge prolonge ta desintox pour te nourrir de vrai. ❤️
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    Laura

    le 17/07/2023 à 21:07
    Superbe chronique! Merci pour cette découverte. Je ne connaissais pas cette auteure, je le note pour le découvrir.
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      magali

      le 17/07/2023 à 22:07
      Merci beaucoup Laura ❤️ Cette auteure italienne est merveilleuse. Ses livres sont fascinants. N’hésite pas à découvrir l’un de mes deux chroniqués. Amitiés.
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    Hedwige

    le 17/07/2023 à 16:07
    Comme toi, j’attends que cette auteure nous offre un troisième roman mais cela fait des années que j’attends… Merci pour ta magnifique chronique Magali !
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      magali

      le 17/07/2023 à 17:07
      J’ai contacté l’auteure et elle m’a répondu qu’il n’y avait aucune promesse de traduction sur son dernier roman. Zut de zut. Suivons cela de près. Je suis ravie que toi aussi tu aimes cette auteure. Ses livres sont un carton plein.
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    Hedwige

    le 17/07/2023 à 16:07
    Comme toi, j’attends que cette auteure nous offre un troisième roman mais cela fait des années que j’attends… Merci pour ta magnifique chronique Magali !
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    Marie-Pierre

    le 17/07/2023 à 11:07
    Entre babelpotes on se soutient et j’aime beaucoup ton blog, on ressent ta passion, ton investissement pour le faire grandir, ton bébé-blog 🙂 As-tu déjà lu les autrices italiennes Raffaela Romagnolo et Viola Ardone ? Je les ai découvertes avec « Bella Ciao » et « Le train des enfants », j’ai adoré leur plume.
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      magali

      le 17/07/2023 à 11:07
      Merci Marie-Pierre, merci pour ce soutien ❤️ On a besoin tous de tendresse dans cet étrange monde. Pour les auteures mentionnées je vais me renseigner sur Bella ciao. Ça ne me dit rien. Le train des enfants je l’avais commencé mais la narration a hauteur d’enfant m’avait déplu. En auteure italienne je ne connaissais que Elena Ferrante que tu dois connaître aussi… L‘amie prodigieuse par exemple.
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    Catherine

    le 17/07/2023 à 09:07
    Il a l’air effectivement magnifiquement triste et beau!
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      magali

      le 17/07/2023 à 11:07
      C’est une histoire poignante qui se lirait presque comme une histoire vraie tant les personnages sont troublants et incarnés. Je pense que tu aimerais cette auteure. Peut-être la découvrir avec Acquanera.
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    Mamichapitre

    le 17/07/2023 à 08:07
    Merci ma Coccinelle préférée pour ce retour talentueux qui nous plonge immédiatement dans ce roman. Je ne connaissais pas et me voilà conquise! Je t’envoie des poutous ronrons pour tenir ton petit cœur au chaud toute la semaine😻❤
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      magali

      le 17/07/2023 à 11:07
      Hé coucou ma mimi cocotte 🥰 Ça fait trop plaisir de te lire ici. Tu me mets en joie ! J’ai essayé pour cet article de mettre un peu plus de photos que du texte. Ça te plaît ? Gros poutous ma toute belle.
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    Juliette

    le 17/07/2023 à 01:07
    Merci la coccinelle de m’avoir mis sur le chemin Acquanera. Grâce à ta chronique je n’ai fait qu’une bouchée de ce livre. Ni une ni deux je m’en vais me procurer celui-ci. Merci encore pour ce travail titanesque et ces trouvailles littéraires qui sortent du lot. C’est un plaisir de te lire. Amitiés. Juliette.
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      magali

      le 17/07/2023 à 01:07
      Oh merci beaucoup chère Juliette, tu m’en vois ravie… quand l’un de mes articles touchent le cœur d’un lecteur, je m’envole et trouve sens à ce travail. J’espère que Le bruit de tes pas te plaira tout autant. J’ai commandé d’autres livres italiens, peut-être y trouverais je d’autres nouvelles pépites. À bientôt. Et bonne lecture.
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    Marie-Pierre

    le 16/07/2023 à 23:07
    J’apprécie beaucoup les auteurs italiens. Je note ce livre. Merci Magali pour cette jolie chronique.
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      magali

      le 17/07/2023 à 00:07
      Merci Marie-Pierre, ça me fait tellement plaisir de te lire par ici. Tu me permets de donner sens à mon bébé blog. Moi aussi j’aime beaucoup la littérature italienne et je viens de commander quelques livres pour l’été suite à des fouilles sur Babelio. Valentina d’Urbano est vraiment une auteure à découvrir. Son écriture est si belle…
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    Viviane

    le 16/07/2023 à 23:07
    Acquanera me tentait depuis ton post et celui de Manuela, tu me tentes de nouveau avec son précédent roman. Allez hop, wishlist ! Merci Magali pour cette découverte 😘
    • Icône

      magali

      le 17/07/2023 à 00:07
      Génial Viviane ! Vois d’après le résumé celui qui t’attire le plus. Moi j’ai été scotchée par les deux. Ils sont différents mais on reconnaît cette écriture si pleine de Valentina.
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    Argali

    le 16/07/2023 à 23:07
    Une auteure que je ne connais pas du tout. Je vais voir si elle est dans ma bibliothèque. Merci pour cette découverte
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      magali

      le 17/07/2023 à 00:07
      Merci Argali. Ravie de te lire par ici sur ce bébé blog balbutiant. J’ai « déniché » les deux livres de cette auteure sur momox pour moins de 3€ au cas où… mais je suppose que toute bonne bibliotheque devrait posséder les livres de cette formidable écrivaine. Tu me diras…

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