Samuel Dock, psychologue se confie dans L’enfant thérapeute sur sa mère, sur sa propre enfance, ses doutes, son amour, les silences dans lesquels il a grandi, ressentant les fantômes du chagrin qui rôdaient autour de sa mère. Il parle de la violence dans la petite enfance, des traumatismes qui en découlent, des refuges qui permettent de tenir, de cet héritage maudit qui coule de sang en sang et il parle aussi d’amour, de cette capacité à aimer sa mère quand tout est dit, cette mère habillée de sombre, de larmes, de maladresses mais la seule mère pourtant. La sienne.
Divisé en trois parties, ce récit s’articule autour de ces béances.
Dans la première partie, on suit la relation triangulaire entre Béatrice la mère, Samuel et sa soeur Thaïs à Noël. Leurs rapports tendus, les crises de Thaïs, souffrant de problèmes mentaux qui accaparent tout le monde, les brimades qu’essuie Samuel. L’auteur appelle cet environnement d’état fantôme, un univers où règnent la violence, les mensonges, le chantage. Pour sauver sa peau, Samuel fuit cette famille toxique. Jusqu’à ce que sa mère lui confie son histoire meurtrie. L’écriture de Samuel Dock se montre introspective teintée de lyrisme avec un vocabulaire souvent soutenu. Cette première partie, j’avoue, n’a pas toujours été simple à suivre pour moi.
Dans la seconde partie, on découvre l’histoire de la mère, Béatrice. Son enfance jusqu’à ses cinq ans dans une fratrie de quatorze enfants, son calvaire, ses maltraitances. Béatrice, peut-être l’enfant de trop, gênait, dérangeait. Bébé, on la secouait à outrance quand elle pleurait de trop. Privée de nourriture par la suite, elle se faisait mordre par sa sœur Chantal, malade mentale, et la protégée de ses parents. Son père était un monstre de la pire espèce, dépourvu d’amour, de gentillesse et d’intelligence. Il rouait de coups sa femme pour un oui, pour un non et cette dernière soumise jusqu’à la moelle n’avait plus aucune force ni étincelle dans son cœur, les caresses étaient rares, sauf pour la petite Chantal.
« Je suis cousue de souvenirs tristes, de morceaux de vie rapiécée, d’instants froissés, de sensations sèches, métalliques. Vous m’avez oubliée dans un coin mais, dans ce coin, comme je pouvais, je vivais, je résistais avec trois fois rien, les caramels au fond de ma poche, l’image du jardin de grand-mère, le livre de Blanche-Neige, la main de ma mère. »
Il faudra cinq ans pour qu’une assistante sociale enlève Béatrice à sa famille et la place en lieu sûr. Cinq ans sans que ni le médecin ni les gendarmes ni les voisins ne s’inquiètent nullement de la situation. Cinq ans de carences et de mauvais traitements c’est bien trop long pour espérer sauver sa peau. Placée dans un pensionnat religieux en Belgique, Béatrice va découvrir tout ce dont elle a été privé jusqu’à lors.
L’écriture est ici beaucoup plus fluide, plus terre à terre, plus visuelle surtout. Impossible de rester de marbre face au calvaire de la petite fille.
Dans la dernière partie, L’enfant thérapeute se délie, se console.
« Je soigne les autres parce que tu as pris soin de moi, maman. »
Samuel comprend mieux sa mère. Il se questionne. Lui qui s’occupe d’enfants maltraités, il se demande comment aider sa mère, il se demande aussi si tel est son rôle, perdu entre le besoin d’être le fils qu’on aime et protège et la réalité d’une mère dépendante de lui. Il se rend compte que le schéma de l’enfance de sa mère se perpétue à travers sa sœur. Toute l’attention lui étant accordée comme du temps de Chantal.
C’est un thème, celui des traumas de l’enfance qui me tient beaucoup à cœur d’où mon intérêt pour ce livre. Je ne suis pas rentrée dans ce livre comme j’aurai aimé, l’écriture, surtout en première partie n’était pas simple à suivre, la narration souvent ardue ne m’a pas toujours permis de ressentir l’émotion escomptée. N’en reste pas moins que certains passages sont d’une très grande beauté qui sonnent juste. C’est aussi un vibrant hommage que rend ici Samuel Dock à sa mère et à tous ces instants infimes d’amour auxquels se sont cramponner autant la mère que le fils afin de sauver leur peau. Je terminerai cette chronique avec l’un d’entre eux:
« La misère véritable, ce n’est jamais la pauvreté, c’est celle d’un cœur désert. »