La Coccinelle des livres

Seul dans Berlin

Livre écrit par : Hans Fallada Maison d’édition : Gallimard Nombre de pages : 560
Chronique créée le 14/01/2023 2 commentaires

4e de couverture


Mai 1940, on fête à Berlin la campagne de France. La ferveur nazie est au plus haut. Derrière la façade triomphale du Reich se cache un monde de misère et de terreur. Seul dans Berlin raconte le quotidien d’un immeuble modeste de la rue Jablonski, à Berlin. Persécuteurs et persécutés y cohabitent.
C’est Mme Rosenthal, juive, dénoncée et pillée par ses voisins.
C’est Baldur Persicke, jeune recrue des SS qui terrorise sa famille.
Ce sont les Quangel, désespérés d’avoir perdu leur fils au front, qui inondent la ville de tracts contre Hitler et déjouent la Gestapo avant de connaître une terrifiante descente aux enfers.
De Seul dans Berlin, Primo Levi disait dans Conversations avec Ferdinando Camon, qu’il était « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ». Aucun roman n’a jamais décrit d’aussi près les conditions réelles de survie des citoyens allemands, juifs ou non, sous le IIIe Reich, avec un tel réalisme et une telle sincérité.
La nouvelle édition chez Denoël en 2014 avec une traduction de Laurence Courtois, est la version non expurgée par le premier éditeur de RDA Aubfau pour répondre à l’objectif de dénazification, telle qu’écrite par l’auteur en 1947. Une émission de France culture « La fabrique de l’Histoire » du 29 janvier 2013 raconte le destin tumultueux de cette œuvre, dont Denoël racheta les droits « pour une somme misérable » et qui suscite depuis un regain d’intérêt en Allemagne (290 000 exemplaires depuis 2011.

Chacun devrait s’intéresser à la politique. Si nous l’avions tous fait en temps opportun, nous n’en serions pas au point où nous ont menés les nazis.
Charlotte encore.

Quel livre !!! Immersion totale au cœur de Berlin sous le IIIe Reich, le cœur serré, en apnée, ce pavé de Hans Fallada est un chef d’œuvre.

Détrompez-vous, ici il n’est pas question de suivre la guerre sous la loupe, mais des habitants de la rue Jablonski. Le couple Quanjel qui vient d’apprendre que leur fils unique est mort pour le pays, déchiré par cette nouvelle, Otto et Anna décident de se rebeller contre le führer en semant des cartes anti nazies dans la capitale.

En parallèle de ce couple gravitent quelques personnages clés qui tentent de survivre tant bien que mal dans ce climat apocalyptique. Un jeune SS infecte, une juive apeurée, l’ex mari de la factrice, Enno, les voilà tous à quémander le moindre marks, le moindre abris pour tenir un jour de plus.

Ce livre est teinté d’un réalisme effroyable et stupéfiant. Divisé en quatre chapitre, on avance les pieds noués dans une espèce de litanie funèbre qui monte dans la gravité page après page. On assiste impuissant à la misère d’un peuple jugé comme le pire criminel à la moindre pensée anti nazie. On assiste à l’absurdité exécrable de la guerre, la mort ou la révolte. Penser n’est plus de mise, penser devient un crime, une arme qui se retourne contre soi.

Une longue descente aux enfers attend les penseurs, les rebelles, les lâches, les saints. Il y a dans ce livre la révolte et la grandiloquence des grands auteurs du XXe siècle, on pense à Germinal, aux Misérables, au Voyage au bout de la nuit, à tous ces écrivains qui ont vu et senti la misère, l’injustice, la peur, l’enfer et ont tel Hans Fallada transcrit une réalité historique sans précédent.

Recevez toute l’actualité en exclusivité en vous inscrivant à la newsletter