La Coccinelle des livres

S’adapter ou mourir

Livre écrit par : Antoine Renand Maison d’édition : Pocket Nombre de pages : 629
Chronique créée le 01/03/2023 8 commentaires

4è de couverture


Elle a 17 ans et s’est enfuie de chez sa mère pour se sentir enfin libre. Accompagnée de son petit ami, elle fait escale chez un homme rencontré sur Internet, devenu au fil du temps son confident. Alors qu’il pourrait bien s’agir du plus abject des monstres… Il a 40 ans et est modérateur pour Lifebook, le plus important des réseaux sociaux. Sa mission: supprimer des vidéos interdites du fait de leur caractère choquant, sexuel ou ultraviolent. Dans une société en constante évolution, les destins de ces deux êtres, si éloignés au départ, finiront par s’entrechoquer. Leur alternative? S’adapter ou mourir…

Chronique 

Excellent ! Ce thriller se lit en apnée et promet une nuit blanche. Cela faisait longtemps que je n’avais plus lu un thriller aussi prenant. Un coup de cœur !

Ceux qui me connaissent savent que mes goûts en terme de thrillers sont très carrés, il ne me faut aucun flic ni enquête, les polars quai des orfèvres ce n’est vraiment pas ma tasse de thé, sauf exception. Ce que j’aime avec Antoine Renand c’est son univers loin des brigades policières françaises, ses histoires haletantes impossibles à lâcher, son audace à plonger les deux mains dans l’âme humaine. J’avais eu un coup de coeur pour son premier livre, L’empathie, me revoilà à nouveau pleinement conquise avec ce dernier livre, S’adapter ou mourir, immergée jusqu’à la moelle dans cette double histoire cauchemardesque.
Ambre est une jeune adolescente de 17 ans, un peu rebelle, un peu paumée, elle fugue avec son petit ami croyant trouver l’herbe plus verte ailleurs. Ils se rendent chez un homme qu’Ambre a rencontré sur internet et avec lequel elle a noué une relation virtuelle depuis plusieurs mois. Malheureusement pour le couple, il s’avère que cet homme, Baptiste est une crapule de la pire espèce.
En parallèle, on suit la vie d’Arthur, un réalisateur has been fraichement largué par la mère de son fils, Alexandra, une jolie pédiatre. Il peine à percer dans le cinéma et pour gagner sa croûte tant bien que mal, il accepte un poste chez Medina, une entreprise qui recrute des modérateurs de contenus pour le célèbre réseau social Lifebook. Ces modérateurs de contenus sont aussi appelés les éboueurs du web. Bienvenue en enfer. Internet est une porte ouverte pour le meilleur mais aussi le pire. Sur la toile, de nombreux contenus violents, haineux, sexuels circulent et sans ces modérateurs qui passent leurs journées à les regarder à la chaîne pour les supprimer – signaler – ou laisser passer, nous serions assaillis d’images choquantes. Imaginez un peu toutes les horreurs auxquelles sont exposés ces modérateurs jour après jour, les dégâts aussi psychiques que cela engendre tels qu’un grave stress post traumatique ou encore de symptômes sévères de dépression et autres problèmes psychologiques. Impossible de rester de marbre en tant que lecteurs. Je me suis mise à la place de ces modérateurs, ne comprenant pas comment il était possible de travailler à un tel poste sans perdre la boule (il en va de même pour les travailleurs d’un abattoir ou d’une usine porchère mais c’est un autre débat).  Antoine Renand décortique à la loupe ce phénomène de sabotage mental suite au visionnage intensif et quotidien d’images explicites et dérangeantes, tout est analysé, débriefé à la perfection. On m’avait dit que ce thriller était très glauque avec des scènes insoutenables. Je trouve pour ma part que l’auteur ne se complait pas dans le macabre à outrance. Il pèse ses mots et surfe plutôt sur la suggestion que sur le déballage brut. Bien sûr certaines scènes sont dures et m’ont donné quelques sueurs froides mais lorsque c’est bien dosé, comme ici, l’histoire est tout à fait supportable.
Je me suis attachée aux différents personnages sans problème. J’ai vécu plusieurs jours avec eux, ressentant leurs peines, désarroi et impuissance. Le syndrome de Stockholm à travers Ambre est très bien travaillé. Le rythme est intéressant, respectant une bonne temporalité dans la vie des deux protagonistes. Arthur lui m’a peut-être davantage interpellé. C’est un personnage intéressant, libre mais tout autant enfermé qu’Ambre, prisonnier d’images qui le hantent et dont il ne sait se défaire.
On se doute que la route de ces deux-là vont se rencontrer mais quand et comment?
Le suspens est à son apogée.
Les pages défilent sans temps mort.
Le procédé narratif qui joue sur l’espace temps et alterne entre les deux personnages est addictif. D’un côté Ambre, son calvaire, son emprisonnement. De l’autre Arthur plus libre de ses mouvements mais de plus en plus torturé. L’ensemble nous entraîne dans une spirale édifiante où les deux personnages vont muter, profondément meurtris et abimés par ce que la vie a de plus sombre. La psychologie des personnages est brillamment travaillée, on est dans la tête d’Ambre, dans la tête d’Arthur. Ces deux-là cognent en nous, on saigne avec eux.
Le plus intéressant dans S’adapter ou mourir (et c’est ça que j’aime dans les thrillers ou romans noirs) c’est ce côté crédible, humain qui flirte dangereusement avec la réalité, qui gratte, sans gant, sans masque la couche interne des ténèbres de la société. Rien n’est laissé au hasard ou à l’approximation. Chaque personnage, même Baptiste le tortionnaire a son mot à dire, son histoire, même l’enfance trafique de futurs monstres, c’en est effrayant.
Antoine Renand n’a pas froid aux yeux. Il connait son sujet. Il connait les codes.  Il a compris que fermer les yeux et l’empathie ne font pas bon ménage et pour cela, il faut s’adapter ou mourir.
Pour les amateurs du genre, foncez!

L’auteur: Antoine Renand

 

Antoine Renand est un écrivain scénariste et réalisateur français né en 1979 dans l’Ain. En 2019, il publie son premier roman, L’empathie, aux éditions Robert Laffont. Très remarqué par la critique et par le public, le livre est lauréat du prix Nouvelles Voix du polar et finaliste du prix Maison de la presse. Paru l’année suivante, Fermer les yeux et de nouveau finaliste du prix Maison de la presse et connaît le même succès, suivi en 2021 de S’adapter ou mourir.

Les autres livres d’Antoine Renand: 

Commentaires

8 commentaires

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    Mimi de books story

    le 04/03/2023 à 08:03
    J’aime bcp tes chroniques et comme toi, je ne rate pas un roman de l’auteur, il m’embarque à chaque fois, lu les 3💛💛💛
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      magali

      le 04/03/2023 à 13:03
      Coucou Mimi 🙂 On devrait ouvrir un club avec tous les fans de l’auteur, on serait nombreux.
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    Chrystèle

    le 02/03/2023 à 10:03
    Ton enthousiasme est communicatif ! Moi qui ne suis pas polar du tout, me voilà à avoir envie d’essayer celui-ci, tentation rare…mais rien que le thème m’intéresse et me fait frissonner d’avance. Je ne connais pas non plus son autre livre, L’empathie, que je note au passage. Merci Magali !! Comme toujours, une critique auréolée d’une présentation de l’auteur, de ses autres livres et je parie, lorsque j’aurai cliqué sur la validation de mon commentaire, de liens sur d’autres livres. Bravo !
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      magali

      le 04/03/2023 à 13:03
      Coucou Chrystèle, Les thrillers ne sont pas dans les goûts de tout le monde, ce que je comprends fort bien. D’autant plus que les livres d’Antoine Renand sont quand même fort sombres, j’aime autant te prévenir.
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    Hedwige

    le 02/03/2023 à 01:03
    C’est un roman que j’ai trouvé passionnant par son histoire, riche psychologiquement avec des personnages qui suscitent une forte empathie et puis surtout il parle de différenctes formes de violences et de la façon dont nous sommes capables ou choisissons de l’endurer. Tu en parles magnifiquement Magali, merci <3
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      magali

      le 02/03/2023 à 09:03
      Hello Hedwige, oh génial, toi aussi tu as lu et aimé ce thriller ! Tu m’en vois ravie. Cela faisait longtemps pour ma part que je n’avais pas lu un thriller aussi efficace. Wahou je m’en souviendrai !
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    Bruno (alias Levant dans Babelio)

    le 01/03/2023 à 12:03
    Bonne idée de présenter l’auteur et sa bibliographie sur cette chronique. Moi aussi j’apprécie le « côté crédible, humain qui flirte dangereusement avec la réalité » dans un ouvrage. Belle chronique, comme d’hab, qui donne envie.
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      magali

      le 01/03/2023 à 19:03
      Merci Bruno 🙂 Ce thriller est absolument addictif au possible. N’hésite pas à le lire si la 4è de couverture t’intéresse. Amitiés.

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