La Coccinelle des livres

Nous étions faits pour être heureux

Livre écrit par : Véronique Olmi Maison d’édition : Albin Michel
Chronique créée le 07/05/2020 0 commentaire
Ça commence comme dans un film. Un prélude. le dedans de Suzanne, le dedans de Serge. Ils ne se connaissent pas. Suzanne est accordeuse de piano. Serge est agent immobilier. Suzanne ne fait que passer, elle doit accorder le piano du fils de Serge et Lucie, Théo. Un regard, à peine plus et pourtant ça suffit pour allumer un brasier.

Serge et Suzanne. La morosité des vies de chacun où plane une mystérieuse menace.
Suzanne et Serge. La sonate d'une vie qui aurait pu être meilleure.
La même rengaine, un goût amer de lassitude.
C'est accentué, les maisons, l'extérieur frissonnent. L'atmosphère est pesante, comme fêlée. Antoine, le mari de Suzanne repeint les murs. En blanc cassé. Cassé.
Serge, baigné dans le luxe, auprès d'une femme et de deux enfants, le regard ailleurs.
« Face à lui le tilleul est aussi nu qu'un vieillard sculpté qui se tord vers le ciel. »
On dirait que le bonheur est tellement pressé d'entrer qu'il réveille les ombres et les habitudes en décrépitude.

Veronique Olmi avec une sensibilité et une subtilité folles décrit le quotidien de deux êtres perdus d'avance. Elle dresse une analogie intelligente et percutante entre Serge et Suzanne. Chacun mène une vie différente et pourtant, grâce à la plume de l'auteure, les images d'une rare intensité renvoient à la même fêlure.
Derrière ce mur d'angoisse se tapit l'ombre d'un secret, celui que Serge protège au fond de lui et le ronge depuis un temps fou.

Surgit alors une histoire parallèle brodant les contours d'une enfance ravagée et les conséquences sur l'âge adulte.
Serge se délie et se délivre tandis que Suzanne, dans l'ombre, devient le refuge de cet homme qu'elle aime.

Ce roman n'est pas à mettre dans toutes les mains. Il faut une attention particulière pour subtiliser les multiples corrélations, les images glaçantes d'effroi. C'est du très lourd où chaque phrase serait à noter tant elle sonne comme un uppercut. L'écriture est brillante, sensible, forte, évocatrice mais terriblement noire et désespérante aussi.

Je voulais retrouver Veronique Olmi suite à mes deux coups de coeur d'elle, Bakhita et Bord de mer. Cette troisième lecture me confirme que cette auteure détient un amour incommensurable pour la langue française. Je voulais être chiffonnée, pleine d'émotions. Je termine ce roman et je suis par terre, ko.

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