La Coccinelle des livres

Monsieur Proust

Livre écrit par : Céleste Albaret Maison d’édition : Seghers Nombre de pages : 256
Chronique créée le 02/08/2023 8 commentaires

4è de couverture.

Le roman graphique de Monsieur Proust, classique maintes fois réédité, à l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain.

Céleste Albaret a été la gouvernante de Marcel Proust de 1913 à sa mort, en 1922. Tout juste arrivée de sa Lozère natale pour retrouver à Paris son mari, le chauffeur de Proust, elle entra au service de l’écrivain pour de menues tâches, et finit par lui dédier son existence, épousant sa vie de reclus jusqu’à participer matériellement à l’élaboration d’À la recherche du temps perdu (prenant des notes sous la dictée, collant ses ajouts sur les fameux  » béquets « ). Celle qui inspira le personnage de Françoise dans La Recherche veillera sur Proust jusqu’à la fin. Avec l’aide de Georges Belmont, qui recueillit et mit en forme ses souvenirs, elle publia Monsieur Proust en 1973, élevé depuis au rang de livre culte.

Ce témoignage émouvant est un document unique sur la vie quotidienne de Proust lors de ses dernières années et sur les conditions dans lesquelles il écrivit son œuvre.

Au fil d’une adaptation qui offre la quintessence du texte de Céleste et par la grâce des dessins de Stéphane Manel, nous nous introduisons à la suite de la jeune femme dans l’intimité du boulevard Haussmann et de la rue Hamelin pour découvrir l’invraisemblable cérémonial des jours et des nuits de Proust. De la cuisine à la chambre de liège, nous sommes les témoins des routines (fumigations, préparation du café, etc.), mais aussi des visites, des sorties et du monumental chantier de l’écriture…Tout prend vie dans cet ouvrage qui livre les clés sensorielles de ce monde à l’envers dont Proust fit son royaume, un monde où les frontières entre réalité et fiction étaient délibérément brouillées.

Magnifique album des éditions Seghers offrant toute la quintescence des souvenirs de Céleste Albaret 

durant ses dix années au service de Marcel Proust. 

Voilà mon troisième livre lu sur Proust (et non de Proust) qui continue à me chatouiller sans arriver encore à me coller véritablement aux livres du grand homme. J’avais d’abord lu tout à fait par hasard Céleste: bien sûr, Monsieur Proust (voir ma chronique ci-bas) et j’avais follement aimé cette bande dessinée. D’une mignonnerie enivrante à souhait. Hier, j’ai terminé Un été avec Proust (je vous en parle bientôt). Et aujourd’hui, je ferme la dernière page de cet album cartonné: Monsieur Proust par Céleste Albaret.
Proust est mort dans sa chambre le 19 novembre 1922. Il refusait d’être soigné et placé à l’hôpital. Il ne voulait que Céleste auprès de lui. Céleste qui fut sa courrière, sa femme de charge, sa femme de confiance, sa gardienne, sa gouvernante, son infirmière, son assistante, elle était Céleste. Tout simplement. Et elle aura donné dix années de sa vie à cet homme étrange, qui écrivait la nuit et dormait le jour. Tyrannique et maniaque sur les bords, Céleste le nommait son beau bourreau. Ce livre est un condensé graphique suffisamment fouillé (il compte 251 pages) des souvenirs de Céleste. Une femme qui vivait au plus près de Marcel, connaissait ses moindres manies et satisfaisait ses moindres désirs (tics et manies). Au plus près de l’écrivain qu’il était.
On retrouve ici un peu moins cette facette mignonne propre à la BD Céleste, bien sûr Monsieur Proust. C’est un album plus sobre, plus feutré, principalement en noir et blanc, peut-être plus authentique aussi avec des photos surprenantes de l’époque : un plan de la maison boulevard Haussman, un poème écrit sur un bordereau du Grand Hôtel, Eastbourne, LTD. (« Parfois, il pouvait être une fontaine de jeunesse »).
Il y avait dans cette relation entre Céleste et Proust de l’ordre d’un attachement comme une louve pour son enfant blessé. Beaucoup de prévenance, de gentillesse infinie entourait cet insolite tandem.
« –Vous ressemblez beaucoup à votre mère, Céleste. Il y a en vous une innocence que vous tenez sûrement d’elle. Avec moi, et même avec votre mari, je sens que vous ne savez pas déguiser.
Je lui ai répondu :
–Monsieur, c’est que je retrouve ma mère en vous. »
Proust aura offert à Céleste un peu de sa sensibilité à travers les bavardages et autres confidences qu’ils nourrissaient ensemble. Proust semblait généreux et gratifiait souvent sa domestique d’un gentil mot : « Ah Céleste, ainsi les cheveux dénoués, vous ressemblez à la Jocombe. »
Contrairement à la BD de Chloé Cruchodet qui laissait à penser qu’il y avait un amour platonique du côté de Céleste pour Proust, ici il n’en est rien dit. La tendresse qu’éprouve Céleste pour Proust est évidente. Et légitime il me semble au vu de toutes ces années passées à ses côtés. Seule avec lui. Spectatrice de ses écrits qu’elle finissait par lire à l’envers, assistante dans ses béquets et carnets artistiques, Céleste était en premières lignes des élucubrations lumineuses ou des diatribes mutiques de l’impressionnant écrivain.
C’est un bel ouvrage que voici pour tous ceux qui veulent s’immiscer dans l’intimité de Proust, les anecdotes, les conversations, des photographies de l’époque jusqu’à cette palpation avec l’essence même de Proust : sa volonté d’attraper le temps grâce aux souvenirs et à la mémoire.
Je partage avec vous l’une des dernières pages du livre, quelques temps après la mort de Marcel Proust :
« Et puis il y a eu cette chose extraordinaire… Comme j’étais descendue de l’appartement, j’ai vu soudain la vitrine de la librairie qui était près de la maison, rue Hamelin. Elle brillait de lumière et, derrière la glace, il y avait les ouvrages paru de M. Proust, trois par trois… Une fois de plus j’ai eu comme un éblouissement de ses presciences et de cette certitude qu’il y avait en lui, en pensant à une page de son livre. Parce que peu de temps avant sa mort M. Proust avait écrit une page sur la mort, ou plutôt la résurrection… Voici ce qu’il avait écrit : « L’écrivain Bergotte, mort à jamais ? Qui peut le dire ? L’idée que Bergotte n’est pas mort à jamais est sans invraisemblance. On l’enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois, veillaient comme des anges aux ailes éployées et semblaient, pour celui qui n’était plus, le symbole de sa résurrection. »
Y a t’il parmi vous des amoureux de Marcel Proust ? Je pense à mon amie Jeanne, souvent présente en commentaires sur mon blog qui a lu avec une certaine dévotion tous les tomes de La Recherche. Je me demande si la lecture proustienne laisse des traces sur son lecteur, s’il existe un avant et un après Marcel Proust… Laissez-moi vos impressions et avis en commentaires, cela me fait toujours un grand plaisir. 

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Commentaires

8 commentaires

  • Icône

    Ahlam

    le 25/12/2023 à 14:12
    Je suis en effet plus intéressée par e livre Celeste,
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      magali

      le 25/12/2023 à 17:12
      C’est par Celeste bien sûr monsieur proust qu’il faut commencer je pense.
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    Mamichapitre

    le 09/08/2023 à 18:08
    Cc ma chère Cocci jolie, je t’ai posté un com ce matin et il n’apparaît pas…. Donc je vais essayer de te redire tout cela. Comme c’était un plaisir de te lire et comme je dégustais tes posts car j’adore ton écriture. Merci de nous faire découvrir de nouveaux ouvrages on se régale. J’ai réservé Acquanera a la médiathèque pour la rentrée, je t’en dirais plus. Merci merci et à bientôt❤️😻
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      magali

      le 11/08/2023 à 12:08
      Génial ! Tu as réussi à le trouver à la médiathèque. Oh la la j’ai la pression. J’espère de tout cœur qu’il te plaira. Et toi au niveau littérature classique, tu en as lus, tu en lis parfois. Il y a tant de livres que j’aimerais relire comme Le parfum ou Lolita. J’ai eu de la chance d’avoir un excellent professeur de français à l’école (vers mes 17-19 ans). J’ai lu de ces livres !!!
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    Jeanne

    le 08/08/2023 à 21:08
    C’est une relation aussi belle qu’inattendue qui s’est nouée entre Céleste Albaret et Marcel Proust. Elle l’a accepté tel qu’il était, avec ses qualités et ses défauts de caractère, il l’a ouvert à la littérature. J’ai eu l’impression en lisant l’album qu’elle l’avait aimé à la manière d’une mère.
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      magali

      le 09/08/2023 à 00:08
      Je partage ton ressenti chère amie. Mais comme mentionné dans mon article, cet album ne parle pas de l’attirance amoureuse de Céleste pour Proust contrairement à la BD qui laisse sous entendre un amour platonique. Néanmoins, cet album retranscrit à merveille le lien entre Celeste et Proust, tout le meilleur que cet écrivain a légué à sa servante dévouée.
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    Caroline

    le 08/08/2023 à 20:08
    Coucou Magali, c’est Fleurdubien de Babélio. Très bonne idée de parler de ce grand homme de la littérature Française. Par contre, je n’ai pu jamais lire un seul livre de cet auteur de génie, trop difficile, trop rébarbatif. Mais je lirai bien un livre sur lui. Je n aime pas les BD…. que me conseille tu ? Bisous et bon été.
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      magali

      le 09/08/2023 à 00:08
      Coucou Caroline, Merci pour ton gentil mot déposé sur mon blog. Te lire me fait grand plaisir. Comme toi, je ne suis pas friande des livres de proust aux phrases interminables. Mais se plonger dans l’univers proustien c’est un délice. Découvrir cette relation si particulière entre Céleste et Proust c’est vraiment exquis. C’est une plongée ravissante dans une autre époque, un autre monde, dans le grand et beau Paris. Je te recommande de lire la magnifique BD de Chloé Cruchaudet ou alors cet album un peu plus étoffé. Tu y trouveras une délicieuse madeleine proustienne.

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