La Coccinelle des livres

Le palanquin des larmes

Livre écrit par : Chow Ching Lie Maison d’édition : J'ai lu Nombre de pages : 443
Chronique créée le 24/08/2023 16 commentaires

4è de couverture

Je suis née dans la Chine de la misère et des larmes. Petite fille, j’ai souffert et pleuré de bonne heure. J’étais jolie : ce n’est pas un mérite, ce fut une malédiction.Choisie pour son exceptionnelle beauté, Chow Ching Lie a treize ans lorsqu’elle est contrainte d’épouser l’héritier d’une des plus grosses fortunes de Shanghai. Elle incarne ainsi, sous le règne de Mao Tsé-toung, le drame de la femme chinoise et de son asservissement séculaire, comme l’analyse l’immense Joseph Kessel dans sa préface.D’un bouleversement à l’autre, Chow Ching Lie est soumise à rude épreuve. Heureusement, son don inestimable pour la musique la sauve…

Extrait

Nous venons au monde avec quatre grandes souffrances à connaître:
la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort.
Il faut prier non seulement pour vivre mieux, mais surtout pour ne pas revivre.

Chronique

Perdu au cœur de ma bibliothèque modeste, « Le palanquin des larmes » y languissait depuis un certain temps. L’envie d’un roman asiatique me titillait, voici donc ce livre enfin dans mes mains, pour mon plus grand plaisir de lectrice.

 

 

Ce roman restitue avec précision et sobriété l’histoire de Chow Ching Lie, une petite fille éblouissante née à Shanghai dans les années cinquante. Protégée par l’amour de son père intellectuel courageux et sa mère paysanne dévouée qui se battra pour préserver sa famille, Lie (surnommée Julie) grandira dans le confort d’une maison paisible respectant les traditions chinoises les plus sacrées. Sa mère bouddhiste lui inculquera nombreuses sagesses et cette religion sera fréquemment au cœur du récit. Petite fille malicieuse et précoce, Julie trouvera sa vocation la plus profonde dans la musique. Une voyante lui avait prédit qu’elle devrait faire attention à un instrument musical métallique, cette prophétie se vérifiera des années plus tard.

 

Son teint eurasien, ses grands yeux et sa beauté exceptionnelle attireront des convoitises et à treize ans seulement, Julie sera mariée contre son gré à Liu, l’héritier d’une des plus grandes fortunes de Shangaï.

Passant des jours et des nuits à pleurer sur son destin tragique avec son frère et sa sœur en cherchant comment éviter ce mariage forcé – rien n’y fera. Julie sera mariée sans connaître les coutumes chinoises traditionnelles. Son mariage occupe une place considérable dans ce roman tant il est intense et choquant pour nous modernes européens. C’est un passage du livre très visuel et qui marque incontestablement le lecteur.  Apprendre que la mariée devra par exemple se changer quatorze fois durant sa journée de noce, que les plus somptueux repas seront servis mais que son ventre restera vide jusqu’à rejoindre le lit conjugal des heures plus tard, faute à des cérémonies qui n’en finissent plus. C’est dans cet extrait que l’on comprend alors le sens du titre: Le palanquin des larmes. « Avant le mariage de sa fille, plus une mère verse de larmes, plus son enfant sera heureuse et fortunée. Ces pleurs ont un nom : on les appelle « les larmes du palanquin fleuri » parce qu’elles étaient versées autrefois au moment où la fille à marier montait dans la chaise à porteurs décorée de fleurs qui l’emportait vers la cérémonie des noces. »

 

La vie de cette jeune fille chinoise sera éprouvante : quitter sa famille aimée, apprendre à être une épouse alors qu’elle n’est encore qu’une enfant; subir les cruautés de sa belle-mère jalouse qui désire un petit-fils malgré la jeunesse de la nouvelle mariée.

Les traditions chinoises sont décrites minutieusement rendant le récit captivant; je me suis sentie plongée dans ce pays dont je ne connais rien. La soumission des femmes chinoises, les coups infligés, les tâches dégradantes – tout cela nous est présenté avec une grande précision.

 

Parallèlement, nous suivons l’émergence du communisme avec l’ascension de Mao Tsé Toung et la fin du régime féodal. L’auteure décrit sans prendre position les événements tumultueux des années soixante assez détaillés pour que le lecteur juge lui-même cette mutation politique. L’auteure se permet simplement de noter que la Chine avait cruellement besoin à cette période d’être réformée au vu de certaines coutumes barbares pour les femmes. Saviez-vous qu’une femme veuve avait l’interdiction de se remarier au risque d’être châtiée et reniée de la société ? Qu’une femme adultérine était brûlée vive? Que des milliers d’enfants ont été mariés contre leur gré?

 

L’atmosphère bouddhiste est omniprésente dans ce livre apportant une dimension plus spirituelle à cette histoire, on rencontre des moines, on parle de la réincarnation, on prie beaucoup, on concocte des potions « magiques », on consulte des voyants, on regarde la vie avec un troisième œil, on consulte aussi des spécialistes de l’horoscope pour les évènements importants, les rêves ont à raconter, tout comme l’heure d’une naissance et tant d’autres choses… On retrouve également les maximes du mandarin Chu représentant pour Julie le modèle de conduite le plus élevé et pouvant intéresser le lecteur d’Occident comme elle l’écrit en page 94, en voici quelques unes :

 

– « N’écoute jamais la femme qui dit du mal de tes parents, de ton frère ou de ta soeur, car ceux-ci font partie de toi comme tes bras et tes jambes. »

-« En toute chose, sois prévoyant. Pense à couvrir ton toit avant que tombe la pluie et à creuser ton puits avant que tu aies soif. »

-« Si tu fais du bien, ce n’est pas pour que tu ailles t’en vanter. Mais le bien que t’ont fait les autres, ne l’oublie jamais. »

 

En somme, j’ai été séduite par ce livre pour son immersion profonde dans l’histoire chinoise des années cinquante ; pour son aspect informatif sur les mœurs et coutumes de l’époque ; ainsi que pour le panorama historique qui a enrichi ma connaissance globale. J’ai passé plusieurs jours aux côtés de Julie depuis sa naissance jusqu’à son ascension comme pianiste renommée mais entre les deux, beaucoup d’épreuves ont jalonné cette histoire fascinante malgré quelques longueurs vers la fin.

 

Est-ce que vous connaissez ce livre ? Vous donne t’il envie?

Commentaires

16 commentaires

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    Sandrine (HundredDreams)

    le 01/11/2023 à 18:11
    Coucou Magali, Un plaisir de te lire, que de souvenirs ! je l’ai lu adolescente dans ma période Pearl Buck. A très bientôt.
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      magali

      le 02/11/2023 à 08:11
      Coucou Sandrine, je ne connais pas Pearl Buck… gros bisous.
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    Anne-Sophie

    le 25/08/2023 à 16:08
    Merci beaucoup Magali pour ton retour, une fois de plus très complet. J’apprécie énormément quand, en plus de me divertir, je m’instruis. La lecture n’en est que plus enrichissante. Je ne connaissais pas ce livre mais découvrir la Chine avec ce récit est vraiment tentant.
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      magali

      le 25/08/2023 à 18:08
      Merci Anne-Sophie, je pense oui que ce livre pourrait t’intéresser. Il est instructif sans être barbant. J’ai ajouté à mon pense bête deux autres livres sur la Chine qui me tentent beaucoup, peut-être les connais tu ? Il s’agit de Chinoises de Xiran et de La joueuse de go. Ce palanquin des larmes m’a vraiment donné envie de me plonger plus souvent dans des romans historiques ou des histoires vraies. Une façon bien agréable de voyager et d’en apprendre un peu plus sur les traditions hors de nos contrées. Tu dois d’ailleurs en connaître pas mal des livres de ce genre.
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    Sandrine (seriallectricesv)

    le 25/08/2023 à 07:08
    Lu quand j’étais au lycée, il y a un petit moment déjà. Il me semble avoir vu un film aussi inspiré par ce livre. Tu me l’as remis en mémoire avec ton beau retour.
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      magali

      le 25/08/2023 à 14:08
      Je ne parviens pas à mettre la main sur le film. Zut de zut. Ça m’aurait bien plu sinon. Je vais certainement lire la suite : Dans la main de bouddha.
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    Jeanne

    le 24/08/2023 à 23:08
    Ce livre me plairait sûrement. Il me semble qu’un film en a été tiré mais c’est déjà ancien.
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      magali

      le 25/08/2023 à 15:08
      Je ne retrouve nulle trace du film sinon je l’aurai regarde. C’est toujours intéressant. Par contre j’ai vu qu’elle avait sorti la suite en 2003 : dans la main de bouddha. Le connais tu ? Voudrais tu le lire avec moi ?
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    Sylvie

    le 24/08/2023 à 22:08
    Moi aussi je l’ai lu il y a des décennies (en 1976, il me semble, j’avais à peu près l’âge de l’héroïne). Il m’avait beaucoup impressionnée à l’époque, mais je ne me souviens plus trop des détails que tu mentionnes, juste de l’idée générale. Et c’est vrai qu’on parlait énormément de la révolution chinoise, et du livre d’Alain Peyrefitte, « Quand la Chine s’éveillera », paru peu de temps avant.
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      magali

      le 25/08/2023 à 15:08
      Je ne connais pas ce livre que tu mentionnes. Je n’ai pas perçu ce palanquin des larmes comme un livre vieillot. Il m’a enrichie et passionnée sur toute la ligne. J’ai bien l’intention de lire la suite : Dans la main de bouddha.
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    Marie-Pierre T.

    le 24/08/2023 à 16:08
    Jolie présentation comme d’habitude, Cocci-Magali.
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      magali

      le 25/08/2023 à 15:08
      Merci Marie-Pierre. C’est très gentil. Tu connais ce livre ? Tu aimes la littérature asiatique ?
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    Mamichapitre

    le 24/08/2023 à 14:08
    Non non ça n’a rien à voir comme je l’ai lu il y a plus de 30 ans bien tassé, d’une part j’en ai un vague souvenir et oui avec l’âge j’aurais sans doute un autre ressenti n’ayant pas les mêmes attentes aujourd’hui qu’à l’époque et surtout pas le même vécu!😻
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      magali

      le 25/08/2023 à 15:08
      Alors ça me va de l’avoir lu seulement maintenant. Ma culture géo politique est maigrichonne et j’ai aimé l’accessibilité sur ces différentes questions abordées dans ce livre. Ça nous a valu une dispute avec mon fils car il ne voit pas d’un œil positif le communiste Mao et il ne comprenait pas mes explications qui semblaient lui dire qu’il avait fait du bien à la Chine dans les années 60. L’auteure ne le dit pas non plus. Mais certaines traditions barbares se sont éteintes avec Mao. Je n’en connais pas davantage. Peut-être dans la main de bouddha y a t’il plus d’explications. Je l’ignore.
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    Mamichapitre

    le 24/08/2023 à 13:08
    Cc ma belle cocci Lu il y a très très longtemps mais je pourrais me laisser tenter avec mon regard d’aujourd’hui et je n’aurais sans doute pas le même ressenti. Merci pour ton beau retour ma cocci❤
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      magali

      le 24/08/2023 à 14:08
      Tu l’as lu il y a longtemps ! Pourquoi penses tu que si tu relisais aujourd’hui ton regard changerait ? Tu n’as pas aimé ce récit ? Moi il m’a vraiment beaucoup plu.

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