La Coccinelle des livres

Le gardien de l’inoubliable

Livre écrit par : Marie-Laure de Cazotte Maison d’édition : Albin Michel Nombre de pages : 274
Chronique créée le 12/05/2023 12 commentaires

4è de couverture


Doté d’une imagination débordante, menteur invétéré, enfant révolté et fugueur, Tristan vit avec monsieur Kurosawa, son ami intérieur, et porte à son cou « le gardien de l’inoubliable », un galet prodigieux découvert sur une plage. Devenu étudiant, chargé de faire des recherches dans les archives d’un artiste disparu depuis un siècle, il se lance imprudemment sur les traces d’un étrange faussaire.

 

Après, notamment, Un temps égaré, prix du premier roman de Chambéry, et A l’ombre des vainqueurs, quatre fois primé, ce nouveau roman de Marie-Laure de Cazotte nous embarque dans une enquête palpitante empreinte de poésie et interroge les liens entre vérité et imaginaire.

Première page 

 

« Bienheureux ceux qui marchent dans le fouettement furieux des ailes de l’ange ». Jean Giono

 

 

Cette histoire est vraie. 

– Vraie ? s’est insurgé monsieur Kurosawa dont le kimono a pris la couleur de l’orage.

J’ai posé ma pierre d’une blancheur de brouillard sur mes pages.

Cette histoire n’est pas vraie. 

Elle est l’inoubliable en moi.

 

Tristan Karadec.

Chronique 

Il y a des livres qui n’arrivent pas par hasard dans votre vie. Car certaines épreuves vous amènent ailleurs, dans des contrées aussi noires que vraies. Le gardien de l’inoubliable, le titre est déjà une petite merveille, la couverture aussi poétique que puisse l’être ce roman qui bouscule les frontières entre imaginaire et réalité.

 

Tristan Karadec est un jeune enfant singulier, à l’imagination débordante. Totalement incompris par ses parents dépourvus d’amour pour cet enfant étrange, Tristan va grandir grâce à des rencontres charnières. Résilience et imagination sont à mon humble avis les plus importantes armes que l’on peut offrir à un enfant afin qu’il se construise malgré les marécages de la vie.  Les souffrances de cet enfant incompris sont palpables, ses envies de rêver, de faire de ses rêves la réalité m’ont laissée songeuse. Ses refuges feront de lui le gardien de l’inoubliable.

Ne jamais oublier cet ami japonais Marc rencontré sur les bancs de l’école qui avec son kimono faisait danser le sable mais un jour Marc s’en va. Il deviendra Monsieur Kurosawa son ami intérieur qui l’aidera à grandir. Puis arrivera Jacob, un vieux marin qui à bord de son voilier Le bel-ami lui apprendra à aimer la mer, à s’aimer lui-même, à accepter qu’on voit en lui Tristan, un enfant bon. Il y aura aussi Sultan, ce petit chiot Border-Collie rescapé du Bel-ami et deviendra l’ami précieux de Tristan. Mais comme Marc, Jacob disparait à son tour léguant à Tristan son voilier ce qui amène suspicions malsaines chez ses parents. Il sera alors vu chez un psychiatre Marc-Antoine Donnadieu avec qui Tristan pourra être lui-même. « Enfant, les parents me disaient toqué, mais je suis certain que si je ne l’avais pas été, ils m’auraient rendu fou. Pour de vrai. »

 

En grandissant, dans ses études d’histoire de l’art, Tristan s’intéressera à un sculpteur Charles-Félix Lorme, mort depuis environ un siècle.

Ses recherches vont nous amener dans des contrées très complexes, sur la rive de la mythologie grecque par exemple ou encore dans des tirades des Métamorphoses d’Ovide. J’avoue que mon état actuel et ma petite concentration m’ont rendue peu encline à suivre l’enquête de Tristan.

 

Cette frontière borderline entre imaginaire et réalité n’a pas été toujours très simple à suivre. C’est un livre ici onirique, très poétique, initiatique certainement puisqu’on suit l’évolution de Tristan, ses amis partis trop vite mais tellement présents dans son coeur, dans sa tête, sa grand-mère qui l’accueillera et lui donnera un peu de valeur et puis son frère qui n’aura de cesse de veiller sur ce petit frère incompris.

 

J’ai rencontré dans ce livre des passages de toute beauté qui ont fait jaillir chez moi de fortes émotions. Certains écrivains ont cette faculté à parler de nous, petites gens avec une précision poétique spectaculaire. Marie-Laure de Cazotte en fait indéniablement partie.

 

Voyez donc ces extraits qui m’ont fait chavirer:

 

« Rien n’est plus pénible qu’un tête-à-tête avec soi quand son soi est un siamois dont le crâne gauche est rempli de mirages, d’espoirs flous, et cogne sur le droit qui voudrait bien engranger un peu de tendresse, tout en se méfiant du monde entier ».

 

 

« A vingt ans j’ignorais que l’enfance marche ad vitam aeternam à nos côtés, qu’elle ne cesse de s’écrire en nous ».

 

 

« Je pense que nos mémoires sont des cieux dans lesquels nos immenses bonheurs et nos grands cataclysmes sont des étoiles, des repères de navigation et lorsque je songe à Jacob, je le vois comme une constellation et un cheval ailé rescapé de l’abattoir parental. »

 

 

D’autres extraits aussi beaux, aussi forts parsèment ce livre que je vous recommande si vous êtes un petit ou grand matelot attiré par les vagues, si vous vous sentez attirés par les mirages dans le murmure du vent face à une enfance piétinée, par le parfum des rêves quand ils viennent vous bercer pour vous tenir debout.

Orphée, le Minotaure, le labyrinthe de Dédale et d’autres mythes vous tiendront en attention si ces sujets ne vous effraient pas.

 

N’hésitez pas à découvrir ma page consacrée aux livres relatifs aux traumas de l’enfance, dans chacun d’eux, il y a peut-être un peu de vous, de votre enfant intérieur.

https://coccinelledeslivres.be/trauma-de-lenfance/

Mon coup de coeur de Marie-Laure de Cazotte,

son tout premier livre: Un temps égaré.


Commentaires

12 commentaires

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    Diana Auzou

    le 16/05/2023 à 09:05
    Chère Magali, je t’ai envoyé un message, puis un autre (au sujet du gardien de l’inoubliable), je ne sais pas si tu les as reçus, ils ne sont pas affichés. Comme ça faisait longtemps, suis-je, peut-être, effacée ? Amitiés. Diana
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      magali

      le 17/05/2023 à 10:05
      Coucou Diana, La vie s’est un peu arrêtée de mon côté, j’étais ailleurs. Mais non rassure toi jamais je ne ferai de fausses ou vilaines manœuvres avec toi ou quiconque dans mes amis Babelio ou Instagram.
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    Diana Auzou

    le 15/05/2023 à 10:05
    Chère Magali, ça fait longtemps mais pas d’oubli, et je retrouve à chaque fois une immense chaleur, un souffle bienfaisant, qu’il soit de colère, de douleur ou d’infinie tendresse, et un fil aussi, je l’ai déjà dit, comme un lien qui est l’amour du vivant et la qualité de ta plume une invitation aux belles découvertes. Entre vérité et imaginaire je mettrais souvent une marque d’égalité. Porte toi bien. Je t’embrasse et te dis à bientôt.
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      magali

      le 17/05/2023 à 10:05
      Ce message est une pépite qui me réchauffe le cœur. Si tu as l’occasion d’écouter cette chanson de Françoise Hardy, voici ses paroles que ton message réveille en moi : Beaucoup de mes amis sont venus des nuages Avec soleil et pluie comme simples bagages Ils ont fait la saison des amitiés sincères La plus belle saison des quatre de la terre Ils ont cette douceur des plus beaux paysages Et la fidélité des oiseaux de passage Dans leur cœurs est gravée une infinie tendresse Mais parfois dans leurs yeux se glisse la tristesse Alors, ils viennent se chauffer chez moi Et toi aussi tu viendras Tu pourras repartir au fin fond des nuages Et de nouveau sourire à bien d’autres visages
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    Sylvie

    le 14/05/2023 à 23:05
    Voilà un petit moment que je ne t’avais pas rendu visite ici. Chaque passage sur ton blog est un plaisir, parce qu’on y découvre d’autres facettes de toi et de tes lectures. Merci Magali !
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      magali

      le 17/05/2023 à 10:05
      C’est très gentil Sylvie…
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    Hedwige

    le 14/05/2023 à 21:05
    Comme je suis contente de te revoir ici, je m’inquiétais de ta si longue absence. J’aime énormément les citations que tu as choisies, surtout la dernière si belle et percutante. Je vais aller voir ta page dédiée aux traumas de l’enfance et te remercie pour cet article où ta sensibilité s’accorde si bien à celle de l’auteure
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      magali

      le 17/05/2023 à 10:05
      Comme tu es gentille Hedwige, la vie n’est pas un long fleuve tranquille d’où mon absence de ces dernières semaines…
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    Sandrine (100Dreams)

    le 14/05/2023 à 18:05
    Coucou Magali, Heureuse de te retrouver avec la présentation de ce roman. La couverture et le titre m’attirent beaucoup pour son coté onirique et rêveur, et ton beau billet me donne envie de partir à la rencontre de Marie-Laure de Cazotte que je ne connais pas.
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      magali

      le 17/05/2023 à 10:05
      Une autrice dont la sensibilité m’enchante à chaque fois. Elle parle vrai et ça, c’est rare et précieux.
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    Chrystèle

    le 12/05/2023 à 21:05
    Plaisir de retrouver ta voix sur ton magnifique blog. Et merci beaucoup pour cette liste, je viens d’aller la regarder, mis à part le livre de David Vann (dont je ne suis pas fan hélas), je trouve ces choix prometteurs ! Tout plein d’ondes de tendresse pour toi !
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      magali

      le 14/05/2023 à 18:05
      Merci Chrystèle pour ton gentil message. Amitiés.

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