La Coccinelle des livres

Le Cri du sablier

Livre écrit par : Chloé Delaume Maison d’édition : Gallimard
Chronique créée le 05/04/2022 0 commentaire
C'était un magnifique mois de juin. Qu'eut lieu le drame qui dissémina la famille de l'aume. Un père monstrueux ne supportant pas le divorce réclamé par son épouse, un meurtre, un suicide, une scène traumatique pour une petite fille de neuf ans. La folie d'un couple incompatible pour mettre au monde un enfant, une fille d'autant plus, et la faire grandir dans tout ce qu'il y a de plus normal. C'était un magnifique mois de juin. Chloé dite l'enfant fait honte, dérange, est toujours de trop ou pas assez. le coeur du père est de pierre, imperméable à l'amour et la bienveillance. Il est même plutôt monstrueux et fou a lier. Le cri du sablier est tout en symbolique et en continuité avec Éden matin midi et soir. L'auteure expie un univers ténébreux, tristement et inexorablement noir. Ce livre a été laborieux et pourtant il m'a hypnotisée. le débit de mots savants limés au scalpel d'une douleur insoutenable, une centaine de pages d'une expérience littéraire hors du commun. Les mots balancent dans tous les sens, les phrases amputées de leurs déterminants, ponctuations, majuscules, c'est asphyxiant et pourtant quel exercice impressionnant, quelle prouesse de style ! Tout n'a pas été simple à suivre, à cerner, à digérer ici. Des passages entiers sont restés un mystère pour moi. « Le temps est élastique la vérité cenelle a la baie étendue qu'importe l'anachronisme qui grimpe en lobélie du moment que les glaires couronnent le mémorial du moment que florale reste l'expectoration. » D'autres passages sont plus éloquents avec une finesse époustouflante. Comme si Cioran et Jim Morrison se contorsionnaient dans une larve désespérément noire. « Condensation voltige Papa Tango Charly le triangle avorté les Bermudes à la buée tu ne répondras pas, plus personne ne te cherche. Non, papa. Plus personne. Tu es mort. Entends-tu. » Chloé barbote dans la boue noire, elle crie, elle scalpe, elle accouche, elle avorte, elle fait saigner, elle balance les verbes sans se soucier du reste, c'est une suite de phrases décousues, extirpées de ses viscères enflammées. « Ma vie s'engluait dans la déconfiture : quand pourrait-on m'aimer, moi l'Antigéniture. » Et au lasso de sa rage, elle crache sur ce père. « Mon père, mon haut-le-coeur, mon sale chaos, mon plomb salin, ma soude caustique, mon savant rance, ma plaie mesquine, ma belle charogne. » Maintenant il est temps de régner pour Chloé. Bientôt, le mois de juin sera magnifique.

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