La Coccinelle des livres

L’aveuglement

Livre écrit par : José Saramago Maison d’édition : Seuil
Chronique créée le 19/10/2019 0 commentaire
Jose Saramago, prix Nobel de littérature en 1998 signe ici avec l'aveuglement une fiction ahurissante car de sa plume, il fait de l'inimaginable une réalité plausible mais combien effrayante.

Un homme perd la vue à un feu rouge. C'est le début d'une pandémie où chacun perdra la vue en très peu de temps. Une seule femme sera épargnée, la femme du médecin. Car ici, nul n'est nommé. le filou voleur de voitures, l'enfant louchon, la femme aux lunettes teintées, l'homme au bandeau noir. Saramago ne les nomme pas comme s'ils n'existaient déjà plus. C'est d'ailleurs là que se trouve le poumon de ce livre: être privé de la vue c'est être privé de la vie. Être privé de la vie, c'est être banni des règles de civilité, du respect, de savoir vivre et savoir être.

Ce premier petit groupe d'aveugles sera reclus en quarantaine dans un vieux dortoir désaffecté. Enfermés, privés de liberté, affamés et souillés. Ils devront faire face aux diverses humiliations suprêmes, la merde est partout, l'odeur devient pestilentielle. Quand arrive le second groupe de plus de deux cent personnes, les conflits s'annoncent.
Survivre est l'unique but pour ces aveugles. Si la solidarité permettait une certaine stabilité à dix, celle-ci éclate quand centuple le nombre. Car l'homme sait se montrer primaire, bestial, égoïste, tortionnaire pour assouvir sa faim. Certaines scènes ont été très éprouvantes. Quand un leader se forme et bascule dans l'ignominie. Inutile de vous faire un dessin, l'homme est d'une cruauté sans égale quand la société et ses jolies règles s'effondrent.

Ce roman d'anticipation est brillant, entraînant et addictif. Oppressant et nauséabond à souhait. Fourmillant de messages existentiels à la pelle.
L'écriture est intelligente et sait nous tenir en haleine.
On reprochera peut-être à l'auteur de ne pas s'attarder sur l'origine du fléau, sur les angoisses des uns et des autres de vivre dans le noir du jour au lendemain. Ce roman est une plongée en autarcie dans l'enfer humain. L'enfer c'est les autres disait Sartre, on nage en plein dedans.

Toute la complexité de ce roman tient à mon humble avis sur le message d'alerte et sur toute la symbolique visuelle que nous assène l'auteur. Pour voir, il faut être humain. Nous passons notre vie ensemble sans nous voir et pire, sans même nous comprendre. Sans nos yeux, territoire de l'âme, clés de la compréhension, de l'humanité, de l'ouverture, du monde, il nous est bien impossible de vivre de manière éclairée.

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