La Coccinelle des livres

Kérozène

Livre écrit par : Adeline Dieudonné Maison d’édition : Collection Proche
Chronique créée le 02/04/2021 0 commentaire
Une station service. Un soir d'été. 23h12. Ils vont tous s'arrêter dans cet endroit d'où s'émanent odeurs d'essence et d'asphalte. Ils vous regardent. L'oeil. Monica. Adeline. Vous. Ils sont là, ces quelques êtres en proie avec leurs démons intérieurs, leurs phobies, leur classe sociale, leur solitude, leur folie, l'essence même de ce qui les définit. Préparez vous à soulever le voile sur la transe humaine. J'appelle Chelly, une prof de pool dance qui ne supporte ni les perdants ni les mangeurs de chips ni les sempiternels apitoiements de son homme. Ça fait boum. J'appelle Victoire, mannequin, seule sans amis qui erre dans les couloirs de son psychisme et qui surtout, voue une haine féroce contre les dauphins, l'eau où baignent ces mammifères, se « lave » avec des lingettes et ingurgite 2l de lait par jour. Boum. Obligée d'appeler Julie qui termine chez la famille foldingue gynécologue, qui mange aux frottis et au doigter vaginal comme on mange du chocolat, ne fait l'amour qu'entre 7h et 7h08. Boum. Vous avez ici un kaléidoscope sous forme de puzzle qui nous dévoile toute la diversité humaine, dans sa perversité la plus macabre et surtout très jubilatoire. Car le phrasé d'Adeline est à présent reconnaissable parmi tous. Ce qui la place en rang d'honneur parmi ces auteurs singuliers tels une Amélie Nothomb. Dans Kerozene, Adeline Dieudonné continue sa perfusion féroce à l'intérieur des mots. Les mots exultent et explosent pour former une image qui accroche, ricoche et fait mouche. « Un tête à tête avec un cadavre de phoque en décomposition. » «L'effet d'une injection de jus de purin dans l'artère fémorale. ». Ça cogne, ça envoie. C'est une écriture instinctive, spontanée, viscérale. On retrouve une forme de fascination, déjà présente dans La vraie vie pour le monde animal. Les animaux sont partout, dauphins, truie, cheval, acariens, ils grouillent de toute part comme l'oeil qui vous regarde où que vous soyez. Étonnant ici, une certaine obsession pour le sexe, souvent trivial, bestial. le passage du couple sur le parking en plein débat pendant que la vieille mange ses cerises est incroyable. C'est d'un voyeurisme poussé à son paroxysme. Je te vois semble être le créneau de ces 258 pages. Ce roman aurait pu me dérouter pour son côté « nouvelles » mais c'est sans compter la grandiloquence de la plume de l'auteure qui marie avec maestro humour, lubricité et émotions. C'est brut au décoffrage, c'est du neuf dans la littérature. Et c'est un régal de se rouler et se laisser rouler dans un style aussi frais et abouti.

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