La Coccinelle des livres

Kentukis

Livre écrit par : Samanta Schweblin Maison d’édition : Gallimard Nombre de pages : 272
Chronique créée le 14/01/2023 0 commentaire

4e de couverture


Le phénomène se propage rapidement aux quatre coins de la planète. On les appelle « kentukis » et tout le monde en parle, tout le monde veut en avoir un. Souris, corbeau, dragon, lapin : ce sont des animaux en peluche apparemment mignons et inoffensifs qui errent dans les différentes pièces de la maison. En réalité, il s’agit de robots avec des caméras incorporées à la place des yeux, et des roues pour se déplacer. Ils sont connectés au hasard à un utilisateur anonyme qui a acheté le droit de les habiter, et qui peut se trouver n’importe où sur la planète. Voilà pourquoi ils ne sont jamais complètement inoffensifs : ils scrutent, ils bougent et ils interviennent dans la vie d’une autre personne.
Ainsi, une retraitée de Lima peut suivre la vie d’une adolescente allemande et se réjouir ou s’inquiéter pour son sort ; un garçon de Guatemala peut se lancer dans une aventure en Norvège et voir la neige pour la première fois ; ou bien, un Italien, père fraichement divorcé, peut combler le vide laissé par son ex-femme. Les possibilités sont infinies et pas toujours très claires : outre la curiosité et la tendresse, le nouveau dispositif déchaîne de nouvelles formes de voyeurisme, d’obsession, de sexualité et de danger.
Par un langage et un imaginaire que l’on compare à ceux de Shirley Jackson et David Lynch, Samanta Schweblin transporte le lecteur dans une atmosphère hypnotique, aux frontières du thriller et de la science-fiction, nous offrant une histoire surprenante, sans point mort et radicalement contemporaine.

Un roman terriblement addictif dont je n’ai fait qu’une bouchée !

Avoir ou être, c’est un sacré dilemme qui peut devenir un cadeau empoisonné dans un sens comme dans l’autre.

Imaginez un monde futuriste (quoi que) où les êtres pourraient choisir d’avoir un Kentukis, entendez par là, une peluche de 30 cm munie d’une caméra et d’une carte de données. Derrière cette peluche se cache n’importe qui. Un enfant du divorce italien, une retraitée de Lima, une jeune femme allemande . D’Italie, du Japon, de la France, de Calcutta, quelqu’un vous regarde, vous suit à la trace, épie vos moindres faits et gestes.
Mais vous pouvez aussi choisir d’être un Kentukis. D’être l’anonyme qui regarde et assoiffe sa curiosité. Imaginez alors pour l’enfant du Guatemala la magie que pourrait procurer la vision d’un paysage enneigé en Norvège. Quand tout se déroule sans encombre… sinon vous voilà immergé dans un hospice et advienne que pourra…

Bien loin de ma zone de confort, ce roman aux frontières du thriller et de la science-fiction m’a passionnée du début à la fin. Car il soulève de multiples réflexions sociétaires et existentielles. Dans un monde de plus en plus seul, jusqu’où sommes nous prêts à aller pour vivre sa vie à travers celles d’autrui.

Aucun temps mort dans ce livre que j’ai dévoré d’une traite qui pousse le lecteur au plus près de l’intime, dans un réalisme à coupé le souffle, autant aventurier, émouvant, interpelant, drôle, effrayant. Une palette émotionnelle complète qui se rejoint pour former sens et offrir un roman des plus haletants, captivants, questionnants et imaginatifs rarement lus jusqu’à l’heure.

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