La Coccinelle des livres

Ce qu’elle a laissé derrière elle

Livre écrit par : Ellen Marie Wiseman Maison d’édition : Faubourg-Marigny Nombre de pages : 400
Chronique créée le 14/01/2023 9 commentaires

4e de couverture


1995. Dix ans auparavant, la mère d’Izzy Stone a tué son mari d’un coup de fusil, alors qu’il dormait. Dévastée par la folie de sa mère, Izzy, qui a maintenant 17 ans, refuse de lui rendre visite en prison. Elle a depuis été accueillie par une famille d’accueil. Ses « parents » travaillent pour le musée local et décident d’inscrire la jeune fille dans leur groupe. Sa mission : les aider à cataloguer les objets trouvés dans un asile abandonné depuis des années. Et au milieu de monceaux d’affaires, Izzy va découvrir des lettres jamais ouvertes, un vieux journal intime… et une fenêtre vers son propre passé.
1929. Clara Cartwright a 18 ans. La jeune femme est prise en étau entre ses parents autoritaires et son amour pour un jeune immigrant italien. Furieux qu’elle ait rejeté un mariage arrangé, son père l’envoie dans une chic résidence pour « malades nerveux ». Mais les Cartwright perdent leur fortune lors du krach boursier qui va suivre. Ne pouvant plus payer les soins de Clara, la jeune femme est transférée à l’asile public… Même si Izzy fait face aux défis d’un nouveau départ, l’histoire ne cesse de l’entraîner dans le passé. Reconstituer le destin de Clara va obliger à réexaminer ses propres choix, avec des résultats… inattendus.

Combien étaient des victimes de concours de circonstances, des veuves désargentées ou des épouses que leurs maris avaient abandonnées sans le sou, des femmes qui avaient perdu un enfant et avaient besoin d’aide pour affronter ce chagrin insupportable, des femmes chassées par des parents qui désapprouvaient leurs décisions? Combien se trouvaient à Willard à cause d’une seule malheureuse explosion de colère, ou parce qu’elles étaient vieilles et que leurs enfants ne s’occupaient pas d’elles, ou encore parce qu’elles avaient perdu leurs parents et avaient grandi dans un orphelinat? Combien d’entre elles étaient saines d’esprit en arrivant ici, mais ne le seraient plus jamais après des mois de maltraitance ou de traitements excessifs à coup de bains de glaçons et de sédatifs?

Première page


Asile de Willard

1995

Quelque minutes après avoir mis les pieds dans l’asile abandonné de Willard, Isabelle Stone, du haut de ses 17 ans, sut que c’était une erreur. Personne n’aurait pu imaginer les horreurs qui envenimaient ses pensées en la voyant ainsi, au milieu de la chaussée déformée par les crevasses et les nids-de-poule de la vaste propriété bordée d’arbres.

En ce dimanche brumeux de la fin du mois d’août, la brise chaude sentait les roseaux et les algues. Des bourrasques occasionnelles agitaient le bosquet de pins situé sur la gauche du parc. Une vapeur scintillante montait du sol brûlé par le soleil et les cigales stridulaient dans les hautes herbes près des bois, tel un thermomètre vivant dont le bourdonnement se faisait plus perçant et plus insistant à mesure que la température augmentait. Les pelouses parfaitement entretenues de Willard descendaient en pente douce jusqu’au rivage rocailleux du lac Seneca. Des voiliers voguaient à sa surface et une longue jetée s’étendait, telle une invitation à plonger dans l’eau.

Torrent émotionnel pour ce roman. Gorge nouée, hauts le cœur, j’ai dévoré cette histoire d’une traite en apnée, abasourdie par cette réalité effrayante des années trente où l’on enfermait n’importe qui contre son gré.

Ce sera ce qui attendra Clara faute d’avoir tenu tête à ses parents, refusant un mariage arrangé, son père l’envoie dans un hôpital psychiatrique, pensant l’éloigner de l’homme qu’elle aime, un homme qu’il juge socialement inférieur. Suite à un crash boursier, il ne pourra plus subvenir aux frais d’hospitalisation, Clara partira pour Willard, un asile public pour aliénés. Une succession d’horreurs et de mauvais traitements s’abat sur la jeune femme. Cette succession nauséabonde est presque insoutenable. Le Dr Roach et le personnel soignant sont déshumanisés, de vraies crapules sans scrupules. La description de l’asile fait froid dans le dos. La puanteur qui imprègne l’endroit, d’excréments, d’urine, de javel, le traîne-misère des lieux avec ces femmes aux regards vides, yeux gonflés qui pleurent ou gémissent.

À côté de l’histoire de Clara, on suit celle d’Izzie aujourd’hui, une jeune fille de dix-sept ans placée en famille d’accueil. Son parcours est difficile, elle fait face à des drames et des difficultés qui la fragilisent. Avec sa famille d’accueil, elle va s’atteler à ouvrir les malles des pensionnaires de Willard afin de comprendre ce qui s’est passé des années en arrière. Dedans subsiste l’unique trace de la vie de ces malheureux avant leur internement.

Le roman est très bien construit, l’alternance des deux époques se complètent impeccablement. Chaque chapitre nous laisse sur notre faim qu’il en devient impossible de ne pas lire un chapitre de plus et puis encore un autre. Les deux histoires sont toutes deux très dures, sombres, pas toujours faciles à digérer tant certaines scènes sont intenables. On aspire à un peu de répit, un peu d’espoir pour Clara et Izzie mais non, le sort s’acharne inexorablement.

Roman historique à forte charge émotionnelle qui dépeint avec minutie la face obscure de ces années sombres au cœur d’un hôpital psychiatrique public. J’ai aimé le caractère des deux héroïnes, leur force, leur courage, leur déterminisme. Clara mènera à une guerre intérieure sans relâche pour sauvegarder sa santé mentale en dépit de l’acharnement de l’équipe médicale à la considérer comme folle.

Un grand roman addictif et bouleversant. Mon tout petit bémol se situerait au niveau de la traduction qui n’est pas impeccable, un peu trop de coquilles malheureusement.

Quelqu’un a lu ce roman ou son premier livre : La vie qu’on m’a choisie ?

Je compte bien sûr le lire tant j’ai aimé Celle qu’elle a laissé derrière elle. 

 

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