La Coccinelle des livres

Un tesson d’éternité

Livre écrit par : Valérie Tong Cuong Maison d’édition : J.-C. Lattès
Chronique créée le 07/09/2021 0 commentaire
Il y a dans ce roman une tangente paradoxale tout à fait pertinente et palpitante entre le silence et la violence.
C'en est terrible. Car progressivement, on fait corps, on jumelle avec cette mère de famille qu'est Anna.
Imaginez la souffrance muselée à l'intérieur depuis des années, personne pour voir, personne à serrer dans ses bras, pas de baume pour colmater, pas de résilience, imaginez donc comme celle-ci doit être rouge et vive.

Le début de cette histoire m'a laissée perplexe. Une narration clinique, détachée, très peu servie en émotions, ce n'est pas ce que je préfère. J'aime ce qui est clair et crie et vibre. Rien de tel ici et pourtant… Plus j'avançais dans cette histoire plus cette violence m'a happée, abasourdie, je me suis frappée à ce silence qui crie aux barreaux.

Anna s'est construit une vie idéale afin d'échapper à ses origines modestes et à une enfance malheureuse et étriquée. Avec Hughes, elle forme un joli couple solide dans sa villa au bord de mer. Sa routine est mise à mal quand son fils unique, Léo, dix huit ans est arrêté et incarcéré.

Anna va cogiter, ressasser, se battre aussi pour son fils mais quand tout part à vau-l'eau ce sont les souvenirs cauchemardes d'Anna qui viendront la noyer peu à peu. Les démons de son enfance vont péricliter sa sûreté mentale mise à mal avec l'arrestation de son fils.

Progressivement on assiste avec effroi à l'émergence d'une violence refoulée depuis trop longtemps. Une violence sourde, discrète qui voudrait hurler mais Anna est une femme modèle, une poupée qu'on a modelée à rester digne et droite.
Anna m'a beaucoup parlé, je l'ai comprise page après page avec beaucoup d'émotions.

À force de non-dits, de silences étouffants, de traumas non cicatrisés, on finit par devenir sa propre victime. On flirte dans un no man's land proche de la folie, de la confusion. Cette approche littéraire des traumatismes de l'enfance m'a beaucoup parlé. L'auteure explore très bien les dommages collatéraux et funestes d'une enfance manquée.

Le cataclysme est ici interne, sérieux, réaliste, ce qui rend ce livre des plus troublants.

Un roman que j'ai appris progressivement à apprécier, à deviner et à apprivoiser. Jusqu'à cette fin qui est en tout point, remarquable et réussie.

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