J’aime cette phrase en haut de la couverture qui dit « Il n’y a pas de gens méchants, il n’y a que des gens malheureux ». C’était déjà écrit dans le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline : « Si les gens sont si méchants, c’est peut-être seulement parce qu’ils souffrent, mais le temps est long qui sépare le moment où ils ont cessé de souffrir de celui où ils deviennent un peu meilleurs ».
Comprenez cela et l’indulgence, l’empathie, la tolérance devraient poindre le bout du nez. Cessons de juger trop vite, grattons et voyons donc.
Hervé est retraité, il vit en copropriété avec sa gentille épouse Elisabeth. Pour arrondir les fins de mois compliqués, Elisabeth donne des cours d’anglais. Pendant ce temps-là, Hervé picole un peu trop, fait des puzzles ou promène son bichon maltais Billy. Souvent c’est sûr, il s’ennuie comme un rat mort. Et quand on s’ennuie qu’est ce qui se passe ? On rumine et ressasse. L’imagination s’en donne à cœur joie quand les journées sont grises et vides. L’équilibre déjà précaire d’Hervé va être mis à mal avec l’arrivée des nouveaux voisins de l’appartement du dessus. Hervé a l’œil affûté et il remarque tout chez ses nouveaux voisins, les Kobon. Jeunesse, beauté, richesse, réussite familiale, professionnelle, sociale, ils ont et sont tout ce que Hervé n’a et n’est pas. Lui il est juste un gars ordinaire. Il vendait des pneus avant, c’est tout. Son appartement est miteux, usé, jaunit à l’image d’une vie passée à trépas. Alors ces nouveaux voisins, ils sont là pour le narguer, le rabaissé, l’humilier.
Audrey Najar signe un premier roman épatant sur l’escalade humaine d’un homme parmi tant d’autres. Un homme fragile, à l’imagination débordante. Un homme qui essuie plus de ratés que de réussites. Et puis vous savez, ces ratés on en a tous. On fait avec pour peu que personne ne vienne se pavaner en prince devant nous. Il n’y a rien de pire quand on se sent nul et tout petit que de voir les autres heureux. Ça nous donnerait presque envie de vomir tout ce bonheur guilleret devant nous. Hervé il en est là. Il ne voulait de mal à personne, il n’était pas bien méchant avec son petit Billie mais il ne fallait pas pousser trop près de lui des vies qui puent le bonheur à plein nez.
Deux éléments vont perturber et péricliter l’équilibre de cet homme. Deux événements qui je vous l’assure, écrits avec une telle acuité réaliste m’ont percutée tout autant qu’Hervé.
Il y a ce côté tellement vrai et plausible dans l’effondrement psychologique de cet homme que c’en est saisissant. Que ce soient les scènes extérieures ou les scènes qui tambourinent dans le cosmos de ce retraité, tout fait sens sans tomber dans le macabre, le glauque ou le sensationnel. C’est un livre qui dépoussière la vie d’un homme, d’un couple qui voulait juste vivre tranquille. Mais la vie est parfois taquine ou ingrate, là-haut ils ont plus d’un tour pour réveiller les petites gens.