La Coccinelle des livres

Mon Père

Livre écrit par : Grégoire Delacourt Maison d’édition : J.-C. Lattès
Chronique créée le 13/04/2019 0 commentaire
Si Mon Père n'était qu'un roman, qu'une histoire inventée de toutes pièces, je n'aurai probablement pas un océan de douleur salée dans les profondeurs de mes yeux noyés. Car il s'agit de l'histoire de trop nombreux enfants arrachés à la vie, à leur enfance et à la promesse. Notre Père qui est aux cieux, Ne nous soumet pas à la tentation, mais délivre nous du mal. Grégoire Delacourt signe un roman magistral sur les dérives perverses ecclésiastiques mais il signe surtout un portrait glaçant des rouages du silence. Mon père est un roman-tiroirs où grouille, tels des milliers de vers, toute la misère du monde. On ne met pas au monde un enfant pour le plonger dans l'horreur, non, on aspire pour lui à lui montrer combien le monde est beau, bon et juste. On va l'aimer du mieux que l'on peut cet enfant. On va l'aimer pour qu'il grandisse bien, pour qu'il s'épanouisse, pour qu'il soit heureux. Voilà le rôle d'un père. Édouard c'est ainsi qu'il prend à coeur son rôle de père auprès du petit Benjamin, dix ans. Si les parents peuvent sauver un enfant par l'amour écrira Delacourt, un enfant ne sauve pas ses parents par l'amour. Parce que l'enfant est arrivé avant qu'Edouard et Nathalie ne soient un couple, parce que Nathalie est volage et passionnelle, le couple ne tient pas. Dans ce divorce sans histoire, le petit Benjamin se met à changer. Insomnies, cauchemars, problèmes alimentaires,... On imagine que l'enfant réagit mal au divorce. Car bien évidemment, qui peut imaginer le pire ? le pire est insoupçonnable. On n'en veut pas, on ne le voit pas, on ne l'entend pas, on ne l'imagine même pas. Parce que la confiance est là, parce que l'enfant se montre fragile, différent, réceptif à l'amitié, parce que l'enfant est insouciant, parce que la peau d'un enfant est chrysalide, douce, qu'un enfant est « séduisant et désirant », Mon Père use, touche, abuse et saccage. À vomir. Le silence est omniprésent. Taire l'horreur. Taire ce qu'un enfant ne peut comprendre. « Le silence est un assassin qui ne dénonce pas. Le silence est le seul refuge des enfants quand ceux qui devaient inconditionnellement vous aimer vous ont trahi. » Pas un mot de trop. Comme une histoire vraie qui fait mal, c'est cela Mon Père. Horriblement mal pour tous ces enfants sacrifiés au nom de la jouissance d'hommes de dieu qui sous la joute de lois de chasteté, cherchent le plaisir dans les peaux jeunes. Un roman fort, qui trouverait sa place sur les planches d'un théâtre tant les scènes entre Édouard et le Père sont intenses et bouleversantes dans un huit-clos insoutenable. Grégoire Delacourt expliquera dans une interview qu'il lui a fallu du temps pour mûrir ce roman, qu'il était là Mon père, mais qu'il n'était pas prêt. Élevé dans la foi de Dieu et les préceptes chrétiens, il a vu enfant, les jeux auxquels s'adonnent les prêtres. Il a vu cet enfant revenir de la chambre du prêtre et pleurer sous sa couverture. Et lui priait que son tour n'arrive pas. Un roman nécessaire pour mettre toute la lumière sur ces immondices au sein des églises. Un roman qui ne prétend pas guérir mais qui rappelle que trop d'enfants seront à jamais damnés du paradis. Un roman où Dieu, je l'espère, pleure des larmes de sang de voir le monde de dégénérés qu'est devenu son paradis. Amen.

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