La Coccinelle des livres

Manuel de survie d’un dépressif

Livre écrit par : Jessey Heff Maison d’édition : Max Milo
Chronique créée le 25/06/2018 0 commentaire
Je remercie l'équipe Babelio pour cette participation dans le cadre de Masse Critique.
J'apprécie découvrir (à petite dose) des ouvrages, romans, récits de vie traitant de cette maladie qu'est la dépression. Pas mal de personnes dans mon entourage sont confrontées à un mal être, à une désorientation dans leur vie, ou encore à une mélancolie latente. La vie n'est pas toujours facile, certains êtres sont plus fragiles, émotifs, cassés par des drames et des épreuves. C'est important de pouvoir comprendre comment le désespoir peut s'insinuer chez l'autre ou chez soi-même. Trouver des pistes de solutions n'appartient qu'à soi, chacun trouvera celle lui convenant le mieux.

Cet ouvrage « Manuel de survie d'un dépressif » est l'inspiration de l'auteur Jessey Heff, victime d'une période assez longue de dépression (29 mois pour être exacte). Il propose un manuel reprenant « 56 remèdes pour éviter l'accident grave ».

Il propose une lecture « thérapeutique » et surtout d'avertissements en nous demandant de souligner les phrases-idées qui nous parlent et nous semblent possibles à réaliser. S'il nous est impossible de souligner, c'est le signal d'une alerte : il faut consulter.

Pour donner un avis totalement subjectif sur cet ouvrage, j'ai eu besoin de cerner l'intérêt de ce manuel. Pour ce faire, j'ai classé en deux catégories, les lectures traitant de la dépression.
Les romans autobiographiques qui permettent au lecteur, à travers le récit d'une personne atteinte de dépression de comprendre, de se sentir moins seule aussi et de lire (puis se convaincre) par un récit de vie que s'en sortir est possible. Jessey Heff considère ce type de roman autobiographique comme « des aventures personnelles où l'écrivain ne parle que de lui et ne s'intéresse qu'à lui » et ce type d'ouvrage ne l'intéresse pas. C'est son opinion pas le mien.
L'autre catégorie regroupe les manuels, les théories, les pistes de réflexions et d'actions pour aider.
Je placerai donc cet ouvrage dans cette deuxième catégorie. Que l'auteur qualifie de « manuel facile à lire ». C'est en effet un ouvrage très facile à lire. Et accessible.

Ce manuel de survie me semble s'adresser à la catégorie de personnes ayant peu de problèmes, ou au début d'un possible état dépressif. D'où la résurgence dans cet ouvrage d'avertissements qui doivent conduire à consulter. (D'autres moyens que la consultation psychiatrique ou psychologique me semblent envisageables : les livres en sont déjà un premier salut).
Les 56 remèdes pour prévenir de l'accident sont de tous petits chapitres, une demi page à une page et demie maximum. Ils se veulent être des conseils assez abstraits et pour certains, pourraient paraître assez expéditifs et ironiques : « aime la vie, vois le bon côté de la vie, fais du sport, bats toi contre tes démons,... ». Je crains qu'une personne au bord du désespoir et broyant du noir y voie dans ces injonctions une maigre consolation. Je pense à une amie en dépression et barricadée dans des problèmes à n'en plus finir victime alors d'un rictus incontrôlé.

Certains passages dans ces 56 remèdes sont parfois pertinents malgré tout. L'auteur y donne peu d'exemples de situations personnelles ce qui à mon sens, auraient mérité qu'ils s'y attardent davantage, car ces exemples permettent justement une compréhension plus éclairée des théories de l'auteur.

Ces théories-remèdes m'ont néanmoins semblé quelque peu fermés. Il y est question de sortir, voir du monde, s'éloigner des personnes toxiques. Mais tous ces concepts ne sont pas toujours envisageables. Le retrait au monde cause de dépression peut amener à un tel isolement, que des amis on n'en a plus. Les responsabilités sont elles, toujours bien accrochées, les distancer n'est pas toujours possible.

Pour revenir sur l'insistance de l'auteur à nous conseiller de consulter, je reste donc assez perplexe.
J'ignore si en France le constat est le même qu'en Belgique : pour trouver un bon psychiatre, il faut s'armer de temps et de patience. Et quant à dénicher un spécialiste valable qui ne se contente pas d'une prescription d'antidépresseurs, il faut s'armer d'une patience incomensurable qu'une personne en dépression n'a pas. Les agendas de ces bons psychiatres sont surchargés. L'auteur cite ceci dans sa conclusion « premier rendez vous avec un médecin psychiatre... ce n'est pas le bon pour moi. Il me ressent plutôt bipolaire et me file des médocs qui m'enfonce encore plus... Je suis un zombie... ». La difficulté de trouver un bon spécialiste est bien réelle.
L'auteur juge utile une administration d'antidépresseurs, mais souvent ceux-ci nous rendent plus morts qu'avant. Il se cite en zombie par leur faute... D'où une certaine incompréhension là-dessus.

Pour conclure, ce manuel de survie d'un dépressif est intéressant comme guide spirituel, simple et digeste, pour palier à certains petits démons intérieurs, pour encourager certains premiers pas, mais selon moi, peu adapté pour une personne atteinte de dépression qui ne pourra être réceptive à autant de théories un peu trop farfelues lorsque la souffrance mentale est à ce point insupportable.
Les recommandations répétées de l'auteur vers la consultation m'ont aussi dérangé.
Je conseille donc cet ouvrage comme petit guide spirituel, mais pas comme outil littéraire ou intellectuel à entrevoir une guérison. Peut-être que cet avis trouve son influence dans un ouvrage autobiographique lu récemment et davantage porteur d'idées et d'espoir. Mais l'intention de l'auteur était ailleurs.

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