Livre écrit par : Hélène MachelonMaison d’édition : Le Dilettante Nombre de pages : 213
Chronique créée le 14/07/20238 commentaires
LIVRE-VOYAGEUR
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« Certains livres sont des cimetières où repose la fine fleur des maitres à pensées. »
Flagrant déni
26/01/2023
4ème de couverture
Un soir d’été, Juliette accouche, sidérée, d’un enfant qu’elle n’attendait pas. L’adolescente n’est pas une menteuse, jamais elle n’a consciemment caché quoi que ce soit aux yeux du monde. D’ailleurs, l’enfant n’apparaît pas, fruit lentement mûri, il fait irruption, s’impose dans l’instant, tapi qu’il était, insoupçonné, quelque part dans l’ombre des vertèbres, à l’affût dans un repli du ventre. Dans le clan Conti, coupable de ne pas avoir vu, l’onde de choc se propage : le père, Rafael, la mère, Agnès et la cadette, Chloé, tentent de respirer sous la vague qui les noie et les emporte. Né par césarienne, l’intrus est aussitôt rejeté par la lycéenne. L’Autre, c’est ainsi que Juliette appelle son enfant. Malgré l’amour et la présence des siens, Juliette sombre, fleurtant avec la folie. Jusqu’au jour où…
Bien loin des romans feel good suintant le sirop trop sucré des bons sentiments, le livre d’Hélène Machelon est un texte sauvage et tranchant qui explore l’intimité du corps et les violences de la maternité non désirée.
Mon avis
Dans Flagrant déni, l’auteure se penche avec virtuosité sur le déni de grossesse. Très vite, je ressens une empathie à fleur de peau, une fièvre urgente à extirper chaque parcelle d’émotions infinies dans cette histoire bouleversante.
L’écriture de Hélène est à son apogée.
Juliette, dix-sept ans est prise de violentes crises au ventre. Sa mère Agnès pense à l’appendicite. Mais à la clinique, le gynécologue obstétricien est formel, Juliette va accoucher. Maintenant.
Du haut de ses 48 kg, Juliette avait toujours ses règles, son ventre était plat, elle n’en démord pas, elle n’est pas enceinte. La honte la nargue, devant sa mère comment avouer sa vie sexuelle? Juliette voit rouge.
C’est un livre pas très épais que voilà et pourtant j’ai eu l’impression d’une densité et profondeur incroyables, de voir chaque seconde s’épaissir devant moi. L’auteure dissèque avec une précision d’orfèvre les minutes qui entourent cette révélation choc. L’antre de Juliette palpite de tous les diables. L’Autre, ce terroriste, cet alien, ce parasite la remplit d’une haine incommensurable. Jusqu’à hier, Juliette faisait des compétitions de natation et vivait légère. Aujourd’hui quelque chose lui broie l’utérus, annihile son avenir, nourrit sa honte, cet Autre n’est rien et pourtant il vient en une seconde de lui saccager sa jeunesse.
❝ Comme un viol, elle se sentait sale et contrainte. L’enfant lui volait sa dignité et son innocence, il tuait son avenir. Il était le corps du délit, l’aveu criant de sa sexualité. L’enfant, vorace comme un parasite, s’était introduit en elle, avait puisé dans ses ressources pour se développer. Il était allé jusqu’à se servir de ses gènes comme point de départ de la construction de son être unique.❞
Ca clique, ça claque: arrêts sur image, arrêts sur cette descente en enfer. Chaque détail minutieux de ce déni de grossesse est mis sous cloche comme autant d’instantanés de l’enfer qui broie le coeur de Juliette. Dans une langue qui cogne, qui saigne et qui pleure.
Aujourd’hui, l’accouchement comme un viol.
L’après, les ecchymoses imaginaires partout.
La suite, le corps en charpie, le coeur en miettes.
A dix-sept ans, ça tangue, ça tambourine jour et nuit, la honte, la culpabilité, la fin de l’insouciance. Juliette supplie: « laisse-moi stp, va t’en ».
❝ L’Autre était le terroriste capable de faire sauter sa vie. Malgré le rejet et la haine, il avait tenu, s’était accroché, il fallait qu’il aime sacrément la vie. L’Autre avait mordu les parois de son utérus pour ne plus les lâcher, et pendant neuf mois il avait imprégné ses chairs, la moelle de ses os jusqu’au noyau de ses cellules. Elle l’avait dans la peau, il était sa dope dont elle devait se désintoxiquer. Son corps entier, en manque, criait famine, il la rongeait et la rendait malade. ❞
Il y a la famille de Juliette qui fera de son mieux, les parents, Agnès et Raphaël, la petite soeur Chloé. La claque du père à l’annonce de cette grossesse inopinée, la mère toujours aimante, patiente devant sa fille qui la malmène. Mais la décision, Juliette la prendra seule. Elle aura deux mois avant que son enfant ne soit porté à l’adoption. Est-ce assez pour décider d’une telle décision, d’une telle responsabilité?
Bravo Hélène pour ce roman uppercut digne des plus grands ! Cette autopsie clinique du psyché d’une jeune fille en flagrant déni m’aura subjuguée tout du long. J’ai aimé cette histoire de sentiments, de corps ébranlés, de vérité inacceptable, inavouable, de coeurs entiers déchiquetés. J’ai aimé ce livre pour tous les creux où se tapit l’amour, pour cette justesse linguistique et émotionnelle tellement palpables. Cette rage qui se vautre dans la mélancolie, les peurs, les désillusions. Parce qu’à dix-sept ans, on est encore qu’une enfant.
Si vous aimez les romans qui vous hantent longtemps, qui vous picotent les tripes,
Flagrant déni est un livre à lire d’urgence dans cette rentrée littéraire.
C’est ici que tu dois t’inscrire. Ne t’en fais pas, tu es bien inscrite sur la liste des lectrices voyageuses. Tu as le numéro 15 sur 17 lectrices. Gros bisous.
Super Sandrine. Ça me fait très plaisir. Je te rajoute dans la liste avec joie. Tu seras la seizième. Je vois avec Hélène si elle compte faire circuler un deuxième exemplaire. Je te tiens au courant.
Merci Laura. C’est génial ? As-tu un réseau social pour partager ton retour sur ce livre ? Babelio, Instagram, Facebook ou autre ? Si oui, j’aurai besoin de ton pseudo pour t’enregistrer dans la file.