La Coccinelle des livres

Le syndrome de glissement

Livre écrit par : Elisabeth Laureau-Daull Maison d’édition : Arléa
Chronique créée le 28/10/2020 0 commentaire
Le syndrome de glissement, qu'il soit dans ce livre ou à 10 kilomètres de chez moi, c'est le cerveau qui dit stop. Qui dit non. Qu'il faut en finir avec ces journées grises sans visite, sans sourire, à s'épancher dans des langes parce que le temps n'est pas à la patience ni à la dignité, parce que le présent s'est fait grignoter toutes ses chances au profit d'un passé qui lui non plus ne tiendra pas très longtemps. Les vieux, n'ayons pas peur de ce terme qu'on censure aujourd'hui, si leur mémoire flanche, si leur dépendance devient totale, si leur dignité est bafouée et muselée, nos vieux s'éteignent, refusent le combat d'une journée de plus sans saveur. On oblige les vieux à vivre malgré qu'ils ne soient plus dignes d'être vus, touchés, embrassés, qu'ils ne soient plus que rebuts, allez bon, tenez-vous figés dans votre lit, taisez-vous. Vous ne savez plus respirer, on vous fourre des tuyaux à oxygène par vos orifices et on vous attache aux barreaux du lit comme un animal enragé pour vous éviter d'arracher vos fils. Il ne reste que les yeux quand ils s'ouvrent quelques secondes pour comprendre la détresse. Ces yeux rouges de fièvre, de fatigue, d'une vie trop longue. Oui pour certains, la vie ne tient plus que sur une chaise roulante reliée à des batteries et les fantômes rôdent et murmurent dans le noir, taisez-vous, vivez mais taisez-vous. La société n'a rien prévu pour nos vieux sans famille, ni pour ceux qui flanchent de la mémoire, ces fous de pacotille qui un jour de leurs mains jeunes et fortes ont bâti seuls leur propre maison. Maisons de retraite, EPHAD et consorts, c'est le dernier couloir avant la mort. Vous y arrivez souriants, debout, la bouche grand ouverte, vous terminez édentés, la bouche cousue, un trou au milieu des fesses à force de pourrir dans vos crasses. Et bien sûr il faut rester vivants. Indignes mais vivants. Jusqu'au jour de trop où le cerveau joue au plus malin. Pour une fois, lui qui a tout perdu, tout laissé derrière, il se réveille enfin pour que le corps glisse et glisse jusqu'au point de non retour. Ils sont tant à ne pas savoir qui leurs yeux verront pour leur dernier souffle. « Je ne crois ni à Dieu ni à diable, ai-je dit pour terminer, mais je crois à l'enfer sur terre. La vieillesse est une « saison de grande misère » » Plutôt qu'une critique du livre d'Elisabeth Laureau-Daull, cet avis est une cacophonie à genoux, poings serrés et larmes à bout de tout, d'une lecture forte exposée à une réalité personnelle qui me déchire le coeur en lambeaux.

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