La Coccinelle des livres

Cadavre exquis

Livre écrit par : Agustina Bazterrica Maison d’édition : Flammarion
Chronique créée le 02/10/2019 0 commentaire
Imaginons un monde futur où toute espèce animale a été disséminée suite à un virus. Les animaux domestiques euthanasiés pour éviter toute propagation de la maladie. Monde apocalyptique où le cannibalisme devient à la mode. Plus de cimetières, quelques boucheries hors de prix où se vendent têtes, doigts, langues, pénis, de la chair bas de gamme à celle de luxe à travers les foetus et enfants en bas âge. Glauque n'est-ce pas... Marcos est un de ces hommes qui travaille dans l'abattoir de l'horreur. Depuis que son père est placé, que sa femme l'a quitté, que sa vie s'est effritée, il voue un dégoût certain pour ce travail. Lui, il ne mange pas de viande. Il bosse pour payer la maison de retraite de son père. Bon bon, ce roman m'intriguait fortement. Un sujet certes épouvantable (le cannibalisme) mais combien singulier avec cette possibilité de susciter réflexions et d'amener une trame pertinente et efficace. Dégoûtant c'est le mot qui me vient en premier à la fin de ce livre. Dégoûtant parce qu'on vit quelques heures en autarcie dans cet abattoir de l'horreur. Rien ne nous est épargné. Des procédés d'abattage, les génomes humains traités comme du bétail, servant de cobayes, déshumanisés jusqu'à l'extrême. Et c'est sûrement là que le bât blesse. L'histoire est une grande et dégoûtante autopsie clinique. L'abattoir en toile de fond les trois quart du livre. Les personnages évoluent peu ou pas. Ils semblent tous résignés, amnésiques d'une vie antérieure empreinte d'éthique, dépourvus d'empathie, d'amour, de sentiments, d'éducation, de moral, d'émotions. Ils sonnent creux. Ils se mangent entre eux parce qu'il faut se nourrir, que l'humain est devenu comestible, légalisé. Ça renvoie à notre propre mode de consommation carnivore. Sauf qu'ici on imagine le goût en bouche de l'oreille de son voisin. Je n'ai pas été choquée comme certains par le plus laid dans ce roman, j'ai trouvé un certain côté addictif et interrogatif. Ça interroge aussi notre conscience sur le problème de surpopulation qui nous pend au nez, les dérives de l'homme, d'une société immorale, guidée par un ventre criant famine. Par contre, le passage sur la maltraitance de chiots m'a été insupportable.... Malgré tout, c'est un roman qui m'a semblé horriblement froid, trop clinique, trop descriptif dans les scènes d'horreur. J'attendais un sursaut d'humanité, une note de couleur sur le tableau noir, une psychologie plus marquée et totalement absente ici. J'ai rarement lu un roman aussi froid. On s'imagine un tournant en seconde partie quand Marcos s'attache à une « femelle » enchaînée chez lui mais la fin est tellement incohérente par rapport au profil de Marcos que je suis plus que perplexe. Une impression que l'auteure voulait expédier son histoire et la clôturer vite fait. Mais cela ne tient pas la route à mon humble avis. Impression plutôt en demi-teinte. Je ne sais toujours pas si j'ai aimé ou détesté ce roman. Je l'ai lu sans ennui et avec entrain même. Convaincue ou pas, je n'en sais strictement rien.

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